Barème Macron : le Comité européen des droits sociaux rend une nouvelle décision !
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Le CEDS vient de rendre une nouvelle décision qui juge le barème des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse (appelé le barème Macron) contraire au droit européen. Plusieurs cours d’appel ont aussi rendu des décisions ces derniers temps. Concrètement où en sommes-nous de l’application de ce barème en France ?
Barème Macron : les juges français se déchirent
Le barème Macron a été très vite remis en cause par des conseils de prud’hommes, suivis de cours d’appel, qui ont refusé de l’appliquer jugeant le montant attribué au salarié trop faible.
Rappel
Le barème Macron est une grille utilisée pour déterminer les indemnités versées à un salarié lorsqu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse et qu’il n’est pas réintégré. Ce barème comprend des planchers et des plafonds obligatoires en fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l'entreprise, que les juges sont obligés d’appliquer.
Le débat a porté sur l’application du droit européen et plus particulièrement la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et la charte sociale européenne, lesquelles prévoient que les juges nationaux doivent pouvoir ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement injustifié.
Mais en mai dernier une décision de la Cour de cassation a semblé mettre fin au débat en validant le barème Macron. La Cour de cassation a en effet fait valoir que les dispositions de la charte sociale européenne n'avaient pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. Elle a aussi considéré que le Code du travail permet raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi ainsi que le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de la Convention n° 158 de l'OIT (voir notre article « Barème Macron : validé par la Cour de cassation ! »).
Bon Ă savoir
Le barème Macron ne s’applique pas dans certaines situations notamment en cas de nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement ou suite à une discrimination. Il n’y a alors pas de plafond mais seulement un plancher égal aux salaires des 6 derniers mois.
Mais le sujet a de nouveau fait débat suite à une décision du Comité européen des droits sociaux (CEDS) publiée le 26 septembre dernier. Il a ainsi considéré que les plafonds du barème Macron ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l'employeur. Il estime également que la marge de manœuvre accordée au juge est trop étroite et que le préjudice réel subi par le salarié en question lié aux circonstances individuelles de l'affaire peut être négligé. Par conséquent le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée n’est pas garanti ce qui viole la charte sociale européenne.
Cette décision, sans caractère contraignant en droit français, a déjà été utilisée par les opposants du barème Macron pour réclamer une évolution. C’est ce qu’a fait la cour d’appel de Douai fin octobre en citant à la fois la décision du CEDS et celle de la Cour de cassation.
Cette cour d’appel plaidait pour une clause de dépassement du barème qui répondrait aux cas d’espèces et prendrait en compte les circonstances particulières (voir notre article « Barème Macron : encore écarté par une cour d’appel ! »).
A l’inverse plusieurs cours d’appel se sont rangées ces dernières semaines à la position de la Cour de cassation et ont appliqué le barème Macron.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la nouvelle décision du CEDS qui encore une fois s’oppose au barème Macron.
Barème Macron : la nouvelle décision du CEDS aura-t-elle un impact ?
Dans cette affaire rendue publique le 30 novembre, le CEDS souligne avoir pris connaissance de la décision rendue en mai 2022 par la Cour de cassation et en prendre note. Il continue néanmoins à considérer que :
- le droit à une indemnité adéquate n’est pas garanti et viole la charte sociale européenne ;
- et qu’il appartient aux juridictions nationales de statuer sur la question en cause à la lumière des principes qu'il a énoncés à cet égard ;
- ou, selon le cas, qu'il appartient au législateur français de donner aux juridictions nationales les moyens de tirer les conséquences appropriées quant à la conformité à la charte des dispositions internes en cause.
Rappelons que le CEDS n’est pas un tribunal mais un comité d’experts indépendants chargé de vérifier que les Etats membres respectent la charte sociale européenne. Il est donc parfaitement dans son rôle mais sa décision n’est encore une fois pas contraignante pour la Cour de cassation.
Son seul intérêt est de relancer le débat mais il y en avait-il vraiment besoin ?
Comité européen des droits sociaux, réclamation n° 175/2019, publiée le 30 novembre 2022 (le barème Macron viole la charte sociale européenne en matière d’indemnisation adéquate
Cour d’appel d’Agen, chambre sociale, 13 décembre 2022, RG n° 21/020621, cour d’appel de Poitiers, chambre sociale, 8 décembre 2022, RG n° 21/00104, cour d’appel de Toulouse, chambre sociale, 9 décembre 2022, RG n° 21/02801 (la charte sociale européenne n’a pas d’effet direct en droit français)
Cour d’appel de Pau, chambre sociale, 24 novembre 2022, RG n° 20/01843 (Il appartient seulement aux juges du fond d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L.1235-3 du Code du travail)
Juriste en droit social
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