Harcèlement sexuel : l'ancienneté et l'absence de dossier disciplinaire du salarié n'atténuent pas la faute !

Publié le 03/04/2024 à 07:58 dans Risques psychosociaux.

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Les messages et comportements à connotation sexuelle répétés d'un salarié, créant une situation intimidante ou offensante à l'égard des salariées placées sous sa responsabilité, caractérisent une situation de harcèlement sexuel. Dès lors, le licenciement pour faute grave du salarié est justifié, peu importe son ancienneté importante dans l'entreprise ou son passé disciplinaire irréprochable.

Harcèlement sexuel : il justifie un licenciement pour faute grave

Le harcèlement sexuel est constitué par :

  • des propos ou comportement Ă  connotation sexuelle ou sexiste rĂ©pĂ©tĂ©s qui portent atteinte Ă  la dignitĂ© du salariĂ© en raison de leur caractère dĂ©gradant ou humiliant, ou crĂ©ent Ă  son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
  • toute forme de pression grave, mĂŞme non rĂ©pĂ©tĂ©e, exercĂ©e dans le but rĂ©el ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherchĂ© au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers (Code du travail, art. L. 1153-1).

Lorsqu'il est caractérisé, le harcèlement sexuel constitue une faute qui justifie le licenciement disciplinaire du salarié.

La faute grave est ici largement retenue par les juges, d'autant plus lorsque le salarié exerce des fonctions managériales.

Notez le

La faute grave implique que le comportement du salarié rende impossible son maintien dans l’entreprise. Elle prive le salarié des indemnités de préavis et de licenciement, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.

Le fait que le salarié auteur des faits de harcèlement sexuel ait une ancienneté importante, fasse un excellent travail ou n'ait jamais fait l'objet de reproche n'a pas pour conséquence d'atténuer la gravité de la faute.

C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrĂŞt du 13 mars 2024.

Harcèlement sexuel : l'ancienneté et le passé disciplinaire irréprochable du salarié n'atténuent pas la faute

Dans cette affaire, un salarié, cadre supérieur au sein d'une banque avec plus de 20 ans d'ancienneté, est licencié pour faute grave.

Son licenciement est motivé par des faits de harcèlement sexuel, la société lui repprochant son comportement déplacé et ses propos à connotation sexuelle envers plusieurs salariées et intérimaires placées sous sa responsabilité.

Plusieurs d'entre elles avaient témoigné de la gêne occasionnée par cette situation imposée par leur supérieur hiérarchique.

Le salarié avait notamment tenu les propos suivants :

  • « Vous allez me prendre pour un fou ou trouver mon comportement dĂ©placĂ© mais j'adorerais passer le reste de la nuit avec vous. Une seule et unique fois » ;
  • « Voulez-vous voir la chambre ? Je peux la rĂ©server si vous voulez » puis face au refus de la salariĂ©e « pourquoi ne venez-vous pas chez moi ce soir » ;
  • « j'aime votre façon de manger des bananes...très inspirante ».

Le salarié conteste son licenciement devant le conseil de prud'hommes, qui rejette sa demande.

La cour d'appel adopte toutefois une position différente.

Bien qu'ils reconnaissent l'attitude inappropriée du salarié et son caractère habituel, les juges estiment qu'il n'a jamais fait preuve d'insistance, commis de pressions graves dans le but d'obtenir un acte de nature sexuelle ou créé une situation hostile, offensante ou intimidante, et qu'il était en outre un excellent collaborateur n'ayant subi aucun reproche tout au long de sa carrière.

Selon les juges d'appel, le harcèlement sexuel n'est donc pas constitué, et le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave.

Saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation censure cette décision.

Les hauts juges estiment que la cour d'appel aurait dû déduire que les messages et comportements à connotation sexuelle répétés du salarié, créant une situation intimidante ou offensante à l'égard des salariées placées sous sa responsabilité, étaient de nature à caractériser un harcèlement sexuel et à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le licenciement pour faute grave du salarié était donc ici bien justifié.

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Cour de cassation, chambre sociale, 13 mars 2024, n° 22-20.970 (des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés créant une situation intimidante ou offensante caractérisent un harcèlement sexuel et justifient le licenciement pour faute grave du salarié, peu important son ancienneté dans l'entreprise ou son passé disciplinaire irréprochable)

Margaux Berbey

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot