Dâune pierre, deux coups : diminuer le nombre dâaccidents du travail et augmenter la cohĂ©sion des Ă©quipes
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Tous les managers et les membres des Ă©quipes QHSE de sites industriels vous le diront : ils rĂ©pĂštent inlassablement, et le plus souvent sans succĂšs, les mĂȘmes consignes de sĂ©curitĂ©. Finalement personne nâest content : les uns passent pour de pĂ©nibles empĂȘcheurs, les autres pour dâĂ©ternelles tĂȘtes de mule, et il y a toujours autant dâaccidents. Comment remĂ©dier durablement Ă ce problĂšme ?
Les écueils des méthodes classiques
Pour espĂ©rer diminuer significativement le nombre dâaccidents du travail (et leur gravitĂ©), il faut commencer par comprendre pourquoi les mesures couramment prises ne fonctionnent pas :
- sensibilisation et formation : si elles permettent aux collaborateurs de comprendre les procédures de sécurité, les précautions à prendre et les gestes sûrs, leur cÎté abstrait, et parfois incohérent avec les réalités du métier, ne conduit pas à un réel changement de comportement au quotidien et dans la durée ;
- rĂ©compenses financiĂšres basĂ©es sur lâabsence dâaccident (primes et intĂ©ressement) : elles gĂ©nĂšrent des effets pervers. Lâenvie dâobtenir la rĂ©compense conduit les salariĂ©s Ă Ă©viter de dĂ©clarer tous les accidents et lâon obtient finalement une reprĂ©sentation altĂ©rĂ©e de la rĂ©alitĂ©.
Un programme ingénieux, peu coûteux et facile à implémenter
Les chercheurs en ingénierie et en psychologie, Paul Yeow et David Goomas, se sont associés afin de mener une expérience in vivo.
Les sites choisis Ă©taient deux usines de conditionnement de produits liquides (lait, jus de fruit, etc.) dâenviron 300 salariĂ©s. Si les accidents les plus courants correspondaient Ă de simples chutes sur le sol humide, dâautres accidents, impliquant notamment les machines, pouvaient ĂȘtre beaucoup plus graves.
Les chercheurs ont proposĂ© au personnel de lâune des deux usines de mettre en place un jeu impliquant des rĂ©compenses sâils parvenaient Ă Ă©viter dâavoir des accidents (groupe test), tandis que lâautre usine conservait son mode de fonctionnement habituel (groupe contrĂŽle).
Au dĂ©but de la phase dâexpĂ©rimentation, on a proposĂ© au personnel des deux usines une liste de comportements et de prĂ©cautions recommandĂ©s, tels que :
- nettoyer immédiatement les liquides renversés ;
- porter les vĂȘtements de protection adaptĂ©s Ă chaque zone (congĂ©lateur, presse, etc.) ;
- ne pas laisser dâoutils dans les allĂ©es et sur les machines ;
- etc.
Les collaborateurs Ă©taient encouragĂ©s Ă discuter rĂ©guliĂšrement de la bonne application de ces usages avec les membres de leur Ă©quipe. Ensuite, chaque semaine, les rĂ©sultats des jeux Ă©taient affichĂ©s dans lâusine test, mentionnant seulement les Ă©quipes gagnantes. Dans lâusine contrĂŽle, on affichait uniquement le nombre de jours passĂ©s sans accident.
AprĂšs deux ans dâimplĂ©mentation, on a observĂ© les rĂ©sultats suivants :
Ainsi, en plus dâune diminution significative des accidents, et des coĂ»ts qui y sont liĂ©s, la cohĂ©sion des Ă©quipes a progressĂ© du fait des discussions sur les pratiques de travail (qui nâavaient pas lieu auparavant). Et on a pu dĂ©charger les managers et les Ă©quipes QualitĂ©, HygiĂšne, SĂ©curitĂ©, Environnement (QHSE) du rĂŽle pĂ©nible consistant Ă rabĂącher les rĂšgles de sĂ©curitĂ©.
Ce rĂ©sultat est permis par lâalliance :
- dâun retour dâinformations rĂ©gulier et Ă court terme sous la forme dâune rĂ©compense financiĂšre ;
- des feedbacks entre collĂšgues Ă lâoccasion de discussions courtes et informelles et qui impliquent une forme dâinfluence sociale ;
- de la dimension ludique et compétitive impliquée par le jeu.
En conclusion, retenons que la prĂ©vention des risques ne nĂ©cessite pas de lourdes dĂ©penses financiĂšres. Plus simplement, elle consiste pour lâessentiel Ă employer stratĂ©giquement, et Ă bon escient, nos connaissances de la psychologie humaine et de ses mĂ©canismes. Ce nâest pas lâautoritĂ© ou la menace, mais bien davantage lâimplication intelligente des individus qui permet une Ă©volution notable de la rĂ©duction des risques au travail.
Psychologue clinicienne - Consultante
NĂ©e en 1992 Ă Enghien-les-Bains, Emma Pitzalis est psychologue clinicienne (Paris X), diplĂŽmĂ©e en thĂ©rapies brĂšves et stratĂ©giques de l'Institut Gregory Bateson. Emma a dĂ©butĂ© sa carriĂšre au sein de âŠ
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