La culture organisationnelle, victime d’une téléportation spatiale ?

Publié le 20/03/2024 à 07:39 dans Risques psychosociaux.

Temps de lecture : 4 min

Nous ne sommes pourtant pas dans Star Trek, série culte qui téléportait les personnages d’un espace à un autre en quelques secondes, mais force est d’admettre que la culture d’entreprise semble avoir disparu des radars et de la liste des préoccupations stratégiques.

Si, aujourd’hui, il est souvent question de la « marque employeur », ce terme fait allusion à l’attachement à des valeurs souvent plus tape à l’œil que substantielles, comme si les mots suffisaient à pallier l’incontournable nécessité d’un engagement réel, voire formel, des dirigeants sur cette question.

La culture est pourtant au cœur des enjeux les plus fondamentaux. Ainsi, les recherches d’Edgar Schein, doyen et père de la conceptualisation culturelle au sein des organisations, ont largement contribué à vulgariser cette composante indissociable de l’organisation, jusque-là peu prise en compte.

Lorsqu’on s’intéresse à l’impact d’une organisation sur son environnement, les enjeux de la culture organisationnelle sont essentiels, notamment pour arrimer le discours et la mise en œuvre à l’interne. « Une organisation est indéniablement animée par des valeurs et des croyances qui influencent les attitudes et les comportements de ses membres » disait-il.

Le schéma de l’iceberg

Avec son schéma de l’iceberg, Schein définit que l’aspect visible de la culture n’est qu’une infime partie de ce qu’elle est.

1. Partie émergée de l’iceberg : ce qui concerne les aspects visibles et tangibles des structures organisationnelles

Les comportements observables, les codes vestimentaires, les rituels, les blagues, les mythes fondateurs, l’architecture ou l’environnement intérieur et extérieur des lieux de travail, etc. Ces éléments sont faciles à identifier mais il est difficile d’en tirer une signification précise.

2. Partie point de flottaison : la façon dont on fait les choses

Cela se traduit par les idéaux, les objectifs, la mission ou les valeurs et philosophies qui sont choisis de manière consciente et qui sont diffusés par l’organisation. Cependant, ces valeurs épousées sont parfois en conflit avec les comportements visibles.

3. Partie immergée de l’iceberg : ce qui concerne les aspects visibles et tangibles des structures organisationnelles

Souvent prises pour acquises et quasiment jamais remises en cause, ces hypothèses ou ces prémisses sont difficiles à discerner car elles opèrent au niveau de l’inconscient. Elles déterminent les comportements, les perceptions, les pensées, les émotions, et portent sur des questions comme la nature humaine (exemple : bien/mal, individualisme/collectivisme), le rapport au temps, la notion de vérité, etc.)

Il est donc essentiel de favoriser la prise de conscience individuelle et collective afin d’identifier et clarifier ce qui constitue la culture propre de l’organisation dans l’ensemble de ses composantes visibles ou non. C’est d’ailleurs ce qui permet d’ajuster les façons de faire afin de transformer la culture en outil et non qu’elle soit, ou devienne, une forme d’emprise dont les personnels deviennent victimes.

La fondation d’une culture qui se cultive

En santé des organisations, lorsque nous parlons de culture, nous parlons aussi de macro culture. C’est-à-dire la prise en considération des traits caractéristiques de la culture sociétale qui définit un peuple et ses couleurs culturelles spécifiques. Une culture c’est un ADN, une empreinte qui détermine qui nous sommes afin de nous aiguiller sur la direction que l’on souhaite prendre.

Si nous ne ramenons pas la culture dans les discours stratégiques, nous perpétuons l’inefficience car il ne peut y avoir de durabilité d’action sans conscience culturelle. Si nous ne cultivons pas la culture, nous « devenons » sans savoir qui nous sommes. D’ailleurs, c’est bien la culture qui nous permet de fédérer et d’enraciner les valeurs que l’on souhaite véhiculer.

En ce sens, la transmission des savoirs et la valorisation de l’effort ainsi que la responsabilité partagée prennent tout leur sens car la vivacité d’une culture dépend de l’état d’esprit qui domine au sein de l’organisation et des dynamiques culturelles qui sont insufflées afin qu’elle prospère.

La meilleure santé d’une organisation doit passer inévitablement par la fondation d’une culture qui se cultive. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, bien loin d’une simple « marque employeur » elle doit ouvrir sur de nouvelles modalités de réflexion, de questionnements, mais probablement aussi de nouvelles modalités de travail et revisiter notre relation au travail.

Voici 6 questions qui permettent de mesurer la santé de votre culture. Est-ce que :

  • vous instaurez une gestion des risques lors de prises de dĂ©cisions importantes ?
  • vous Ă©valuez, Ă  court, moyen et long terme, l’impact des changements mis en Ĺ“uvre ?
  • vous visez au moins 50 % de temps de prĂ©paration et de rĂ©flexion sur la totalitĂ© d’un projet ?
  • vous valorisez formellement l’effort ou l’investissement humain dans votre organisation ?
  • vous interrogez ceux qui quittent l’organisation pour comprendre leur motif de dĂ©part ?
  • vous avez un mĂ©canisme intĂ©grĂ© qui assure la transmission des savoirs ?
Prisca Lepine auteur

Prisca LĂ©pine

Québécoise au parcours atypique, d’abord psychologue clinicienne dans une large institution de santé, j’ai été rapidement saisie par l’impact du climat de travail sur les comportements, et, au même …