Présomption de démission : le décret d’application est publié

Publié le 18/04/2023 à 11:15, modifié le 08/06/2023 à 15:16 dans Rupture du contrat de travail.

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Il ne manquait plus que la publication d’un décret d’application pour rendre la présomption de démission pleinement opérationnelle. C’est à présent chose faite. Initialement prévu pour le mois de mars, celui-ci vient de paraître au Journal officiel. Retour sur ce dispositif applicable à compter du 19 avril 2023.

Présomption de démission : dans quelles conditions ?

La présomption de démission, créée par la loi sur le marché du travail, répond à un objectif clairement affiché : priver les salariés abandonnant leur poste de travail du droit à l'assurance chômage.

Pour autant, sa mise en œuvre est suspendue à des conditions précises.

Ainsi, pour valablement présumer votre salarié démissionnaire, vous devez constater que celui-ci :

  • abandonne volontairement et sans justification son poste de travail ;

  • ne reprend pas son poste après l’avoir mis en demeure.

Cette mise en demeure adressée doit :

  • sur le fond : enjoindre le salariĂ© Ă  justifier son absence et Ă  reprendre son poste dans un certain dĂ©lai ;

  • sur la forme : ĂŞtre transmise par lettre recommandĂ©e ou par lettre remise en main propre contre dĂ©charge.

Vous devez accorder à votre salarié un délai de 15 jours minimum. Décompté en jours calendaires, il court à compter de la première présentation de la mise en demeure.

Conseil

Précisez à votre salarié les conséquences de son inaction à l’issue du délai imparti (rupture du contrat de travail du fait de la démission présumée, absence d’allocations chômage etc.).

Dès lors que ce dernier entend se prévaloir d'un motif légitime de nature à faire obstacle à la présomption de démission, il devra l’invoquer en réponse à votre mise en demeure. Ce retour n’est soumis à aucune exigence de forme, il peut être verbal ou écrit. Néanmoins, à notre sens, la sollicitation d’un écrit reste vivement recommandée.

Notez le

Le décret fixe une liste non exhaustive des motifs concernés :

  • raisons mĂ©dicales ;

  • exercice du droit de retrait ;

  • exercice du droit de grève ;

  • refus d'exĂ©cuter une instruction contraire Ă  une rĂ©glementation ;

  • modification du contrat de travail Ă  l'initiative de l'employeur.

En cas de rupture, sachez également que votre salarié conserve le droit de la contester devant le conseil de prud'hommes. Le bureau de jugement devra, en principe, statuer dans un délai d'un mois à compter de sa saisine.

Présomption de démission : des précisions apportées puis retirées par le ministère du Travail

Pour l’heure, certaines zones d’ombres peuvent fragiliser le recours à la présomption de démission :

  • quels seraient les autres motifs de nature Ă  faire obstacle au dispositif ?

  • faut-il recueillir une autorisation de l’inspection du travail si le salariĂ© est protĂ©gĂ© ? ;

  • le salariĂ© silencieux sera-t-il privĂ© du droit de contester la rupture ?.

Un nouveau questions-réponses vient d’être publié par le ministère du Travail. Il fait état de plusieurs prises de position notables. Cependant, ce dernier laisse en suspens des interrogations importantes.

Attention

Le ministère du travail a décidé, depuis lors, de retirer ce questions-réponses de son site internet. Celui-ci ne permettant pas « en l’état, et contrairement au but poursuivi, d’éclaircir les modalités d’application de ce nouveau cadre juridique ». Vous pouvez cependant consulter, à toutes fins utiles, la suite de l'article ainsi que le contenu de ce questions-réponses.

Le questions-réponses confirme tout d’abord que vous n’avez pas l’obligation de mettre en demeure un salarié ayant volontairement abandonné son poste de travail. Seulement, selon le ministère du Travail, si vous souhaitez mettre un terme à la relation de travail, vous devez mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. La procédure de licenciement pour faute, quant à elle, est totalement exclue.

Notez le

Outrepassant la lettre de la loi et du décret, cette analyse catégorique constitue, à l’exacte opposé de son objet, une source d’insécurité juridique. Saisi de deux recours pour excès de pouvoir, des précisions vont être prochainement formulées par le Conseil d’Etat. Pour l’heure, et à notre sens, le recours à d’autres alternatives, telles que le licenciement pour faute, n’est pas exclu. La présomption de démission ne représente ainsi qu’un outil parmi d’autres à votre disposition.

Des précisions sont également données sur le contenu de la mise en demeure. A ce titre, vous devez rappeler au salarié que faute d’avoir repris son poste de travail à l’issue du délai imparti, il sera présumé démissionnaire et qu’il n’aura pas droit aux allocations de l’assurance chômage. De même, vous pouvez :

  • lui prĂ©ciser que vous prĂ©voyez d’exĂ©cuter un prĂ©avis et que ce dernier en est redevable ;

  • lui rappeler que son silence sur l’organisation d’un Ă©ventuel prĂ©avis manifestera son intention de ne pas l’exĂ©cuter.

Le questions-réponses détaille succinctement les motifs d’abandon de poste aboutissant à suspendre la procédure de présomption de démission. On apprend notamment que si l’absence du salarié est justifiée par son état de santé et qu’il s’est absenté pour consulter un médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail pour le jour même, il devra vous fournir un certificat médical daté du jour de son abandon de poste.

En outre, il est indiqué que le salarié doit être considéré comme démissionnaire à compter de la date ultime de reprise du travail fixée dans la mise en demeure. Par ailleurs, l’éventuel préavis doit débuter à cette même date.

Enfin, le ministère du Travail affirme que, outre celles applicables au préavis, les règles relatives au versement de l'indemnité compensatrice de congés payés ainsi qu’à la remise des documents de fin de contrat sont pleinement applicables dans le cadre de la présomption de démission.

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Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, article 4, Jo du 22 décembre 2022 (Code du travail, art. L. 1237-1-1)

Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié, Jo du 18 avril 2023 (Code du travail, art. R. 1237-13)

Ministère du Travail, Questions-Réponses sur la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié, 18 avril 2023

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot