Canicule : faut-il s’attendre à une évolution du Code du travail ?

Publié le 29/08/2023 à 10:52 dans Risques professionnels.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus Ă  jour.

La semaine dernière, de très nombreux départements ont été placés en vigilance orange et même rouge du fait des fortes chaleurs. On le sait, cela risque de se produire de plus en plus souvent dans les années à venir. Le Code du travail contient certaines dispositions pour protéger les salariés de ces fortes chaleurs. Une proposition de loi a été déposée pour les renforcer.

Canicule : ce que prévoit le Code du travail

Le Code du travail ne prévoit pas de limite haute de température. Il impose uniquement aux entreprises, dans des locaux fermés où les salariés sont amenés à travailler, de veiller au renouvellement régulier de l’air, et d’éviter les élévations exagérées de température (Code du Travail art. R. 4222-1). Peu importe le moyen utilisé pour rafraîchir l’air (climatisation, brumisateur, ventilateur).

Bon Ă  savoir

Que faut-il entendre par une température exagérée ? L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) considère qu’au-delà de 30 °C pour un salarié sédentaire, et 28°C pour un travail nécessitant une activité physique, la chaleur peut constituer un risque. Et que le travail par fortes chaleurs et notamment au-dessus de 33 °C présente des dangers.

Le Code du travail impose également de mettre à disposition des salariés de l’eau potable et fraîche.

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Pour les travailleurs en extérieur, l'obligation est plus lourde : l’employeur doit fournir au moins 3 litres d’eau par jour pour chaque travailleur sur un chantier (Code du travail, art. R. 4534-143).

Il faut aussi aménager les postes de travail extérieurs de telle sorte qu’ils soient protégés, dans la mesure du possible, contre les conditions atmosphériques (zones d’ombre, abris, locaux aérés, climatisés, etc.).

L’employeur doit également intégrer le risque de forte chaleur dans son document unique et mettre en œuvre des mesures préventives contre ce risque.

Concrètement, l’obligation de sécurité de l’employeur l’oblige à agir pour protéger les salariés mais il n’y a pas vraiment de règles imposées, davantage une liste de bonnes pratiques comme notamment :

  • adapter les horaires de travail dans la mesure du possible (par exemple en commençant plus tĂ´t le matin) ;
  • privilĂ©gier le tĂ©lĂ©travail ;
  • prĂ©voir des pauses supplĂ©mentaires pendant les heures les plus chaudes ;
  • rappeler Ă  tous les signes et symptĂ´mes des coups de chaleurs (maux de tĂŞte, fatigue, peau sèche et chaude, etc.) ;
  • inciter les salariĂ©s Ă  se surveiller mutuellement pour dĂ©celer d’éventuels symptĂ´mes de coups de chaleurs et les signaler.

Attention, si Météo France active la vigilance rouge, le ministère du Travail indique qu’il faut procéder à une réévaluation quotidienne des risques encourus par chacun des salariés en fonction de la température et son évolution en cours de journée, de la nature des travaux et de l’âge et l’état de santé des travailleurs. En fonction de cette réévaluation l’employeur doit revoir l’organisation du travail pour garantir la santé des travailleurs et aller jusqu’à arrêter les travaux si l’évaluation fait apparaître que les mesures prises sont insuffisantes. C’est donc à l’employeur de juger la situation, rien ne l’oblige à un arrêt automatique de travaux en cas d’alerte rouge.

Toutes ces mesures sont-elles aujourd’hui suffisantes ? Avec le réchauffement climatique, les épisodes caniculaires seront plus nombreux et c’est pourquoi la question de renforcer les règles existantes est plus que jamais d’actualité.

Dès cette année, le Gouvernement a pris un plan national de gestion des vagues de chaleur (voir notre article « Canicule : un nouveau plan pour gérer les vagues de chaleur ») et a mis à disposition des entreprises un nouveau guide. Il s’agit essentiellement d’informer les entreprises, de les sensibiliser sur la conduite à tenir et les précautions à prendre.

Mais le Code du travail n’a en revanche pour le moment pas évolué.

Canicule : une proposition de loi qui fait débat

Une proposition de loi a été déposée fin juillet par plusieurs députés pour adapter le Code du travail aux conséquences du réchauffement climatique.

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L’exposé des motifs rappelle que la chaleur a des effets sur la santé des travailleurs tels que fatigue, nausées, maux de tête mais aussi des troubles plus importants et parfois mortels comme la déshydratation et le coup de chaleur qui peuvent survenir selon la pénibilité de la tâche et la durée de l’exposition. En 2022, en France, 7 personnes sont décédées des suites de la canicule sur leur lieu de travail.

Parmi les mesures les plus fortes de cette proposition de loi, il est prévu d’interdire de soumettre un travailleur à une activité en cas d’activation du niveau 4 de vigilance météorologique (rouge), hors professions déterminées par décret.

En cas de vigilance 3 (orange), le travail ne serait pas interdit mais limité à 6 heures par jour. L’employeur prendrait les mesures nécessaires d’aménagement du poste de travail, incluant un recours possible au télétravail.

Autre changement proposé : des temps de pause réguliers sans perte de salaire lorsque la température dépasse un certain seuil sur un lieu de travail intérieur ou extérieur. Concrètement le temps de pause serait de :

  • 20 minutes consĂ©cutives toutes les 2 heures en cas de tempĂ©rature supĂ©rieure Ă  33 degrĂ©s sur un lieu de travail intĂ©rieur ou extĂ©rieur ;
  • 10 minutes consĂ©cutives toutes les 2 heures en cas de tempĂ©rature sur un lieu de travail extĂ©rieur supĂ©rieure Ă  28°, et supĂ©rieure Ă  30° C sur un lieu de travail intĂ©rieur.

Certaines mesures concerneraient le BTP :

  • rendre le chĂ´mage intempĂ©ries automatique en cas de tempĂ©ratures trop Ă©levĂ©es ou insuffisantes ;
  • permettre Ă  l’inspection du travail de faire procĂ©der Ă  des arrĂŞts temporaires de travaux ou d’activitĂ© sur un chantier du BTP en cas de conditions atmosphĂ©riques prĂ©sentant des risques pour la santĂ© et la sĂ©curitĂ© des travailleurs.

Reste maintenant à savoir si cette proposition de loi sera retenue et inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Le ministre du Travail Olivier Dussopt a déclaré dans les médias que fixer des seuils de température est une « fausse bonne idée ». « Dire qu'on arrête de travailler à partir d'une certaine température, ça ne tient pas. […] On ne peut pas organiser le temps de travail autour d'un thermomètre. On préfère faire le choix de la responsabilité avec des contrôles de l'inspection du travail ».

Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique a quant à lui ouvert une brèche en jugeant logique de regarder s’il ne faut pas aller vers des journées réduites même s’il mise d’abord sur « un retour d'expérience collectif ». A suivre !

Pour prévenir le risque de fortes chaleurs, les Editions Tissot vous proposent d’organiser un quart d’heure sécurité grâce à la fiche « Je travaille par fortes chaleurs en été ».


Proposition de loi n°1587 visant à adapter le Code du travail aux conséquences du réchauffement climatique, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social