Harcèlement moral : la protection du salarié relatant des faits de harcèlement dépend de la qualification donnée

Publié le 18/04/2018 à 08:00, modifié le 23/04/2018 à 10:31 dans Licenciement.

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Sauf à démontrer sa mauvaise foi, le salarié qui relate des faits de harcèlement moral bénéficie d’une protection contre le licenciement. Cette immunité est toutefois subordonnée à la qualification expresse, par le salarié lui-même, du harcèlement moral. Ce principe vient d’être entériner par la Cour de cassation.

Harcèlement moral : la protection contre les mesures de rétorsion

Sauf mauvaise foi, le salarié victime, témoin, ou relatant des agissements de harcèlement moral bénéficie d’une immunité contre les mesures de représailles qui pourraient être prononcées à son encontre.

Aucun salarié, aucune personne en formation, ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (en matière de rémunération, formation, reclassement, classification, etc.) pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés (Code du travail, art. L. 1152-2). Par conséquent, la victime peut demander l’annulation de toute rupture du contrat, toute disposition, et tout acte contraire à ce principe. On notera que la nullité de l’acte étant rétroactive, la personne visée pourra demander sa réintégration dans l’entreprise.

Cette protection joue même si finalement les faits de harcèlement ne sont pas établis, sauf, encore une fois, à établir la mauvaise foi du salarié. Toujours dans cette logique, est nul le licenciement fondé sur le comportement agressif que le salarié a pu adopter en réponse à des actes de harcèlement moral.

Le harcèlement moral constituant en principe un trouble manifestement illicite relevant de la compétence du juge des référés.

Pour autant cette immunité n’est pas absolue. En effet, la protection ne jouera plus s’il est avéré par exemple que le salarié a dénoncé de façon mensongère des faits de harcèlement moral dans le seul but de déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser du salarié en question. Ce comportement caractérise la mauvaise foi du salarié ce qui est constitutif d’une faute grave.

Un autre point important est à relever. De façon assez surprenante, la Cour de cassation a pu décider que le licenciement d’un salarié ayant relaté, par courrier avoir subi « comportements abjects, déstabilisants et profondément injustes » sans les avoir lui-même qualifiés de « harcèlement moral » était valable. Depuis cet arrêt, il semble que la protection attachée à la dénonciation de tels faits soit subordonnée à la qualification non équivoque de harcèlement moral opéré par le salarié. Ce principe vient d’être clairement entériné par les juges.

Harcèlement moral : la protection du salarié dénonçant les faits est subordonnée à leur qualification

Pour que le licenciement soit annulé car prononcé suite à la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement il faut que le salarié ait fait mention du harcèlement moral dans son acte de dénonciation.

Un ingénieur d’études licencié pour cause réelle et sérieuse avait invoqué la nullité de son licenciement au motif qu’il était fondé sur l’accusation de harcèlement moral qu’il aurait prononcée à l’encontre de son employeur. La cour d’appel n’a pas fait droit à la demande du salarié car, selon elle, ce licenciement était fondé et motivé par le non-respect par le salarié de ses obligations contractuelles et ce indépendamment de toute accusation de harcèlement. Cette mesure de représailles ne caractérisait pas un trouble manifestement illicite.

La Cour de cassation commence par rendre l’attendu de principe suivant : « le salarié qui relate des faits qualifiés par lui-même de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ». Puis, relevant qu’était énoncé dans la lettre de licenciement un grief tiré de la relation de faits qualifiés de harcèlement moral par le salarié et que sa mauvaise foi n’avait pas été démontrée, décide de censurer la décision des juges du fond.

L’immunité accordée au salarié qui dénonce des faits de harcèlement est donc subordonnée à la qualification expresse de tels faits par le salarié lui-même.

Autrement dit, si le salarié relate des agissements constitutifs de harcèlement moral sans toutefois employer l’expression de harcèlement moral, la demande d’annulation d’une mesure résultant de cette action ne pourra aboutir.

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Cour de cassation, chambre sociale, 21 mars 2018, n° 16-24.350 (le salarié qui relate des faits qualifiés par lui-même de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis)

Leslie Lacalmontie

Juriste-rédactrice