Acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie : la cour d’appel de Paris s’aligne sur la position de la Cour de cassation
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Depuis le 13 septembre 2023, nul ne peut ignorer le fait que la maladie d’origine non professionnelle ne constitue plus un obstacle à l’acquisition de droits à congés payés. Dans une décision du 27 septembre 2023, la cour d’appel de Paris n’a pas manqué l’occasion de faire l’une des premières applications de cette nouvelle jurisprudence.
ArrĂŞts du 13 septembre 2023 : rappels
Par une salve de décisions rendues le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a acté la mise en conformité du droit français avec le droit européen s’agissant de l’acquisition de droits à congés payés durant la maladie.
Voilà plus de dix ans que notre législation entretenait de multiples et profondes contradictions avec la directive européenne 2003/88/CE.
L’une d’entre elles reposait notamment sur l’impossibilité, pour un salarié absent à la suite d’une maladie d’origine non professionnelle, de se constituer des droits à congés.
En effet, la CJUE considérait depuis 2009 que le droit au congé annuel, tel qu’institué par ladite directive, ne pouvait être subordonné à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence dans la mesure où celle-ci n’opère aucune distinction entre les travailleurs absents en vertu d'un congé de maladie et ceux qui ont effectivement travaillé.
Cette incompatibilité a été finalement dénouée par la décision n° 22-17.340. Dorénavant, la Haute juridiction considère que le droit français doit être partiellement écarté pour permettre au salarié absent d’acquérir et, le cas échéant, de revendiquer des droits à congés.
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S’il entend former une réclamation, le salarié doit respecter un délai de prescription de 3 ans. Seulement, la Cour de cassation a également précisé que ce délai ne pouvait débuter que si l’employeur avait permis au salarié d'exercer effectivement son droit à congé. Mais alors, quelle serait la limite à cette rétroactivité ? Lors d’une conférence organisée par l’Association française de droit du travail (AFDT), le conseiller doyen de la chambre sociale, Jean-Guy Huglo, a évoqué l’idée que les manquements de l’employeur pourraient autoriser un salarié à formuler des demandes jusqu’au 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
Saisie d’un litige sur cette thématique, la cour d’appel de Paris s’est démarquée par son alignement instantané à cette nouvelle position. Ironie du calendrier, cette solution a été partagée le jour même du lancement, par la CPME, d’une pétition demandant au Gouvernement de neutraliser la portée des arrêts de la Cour de cassation.
Acquisition de congés payés pendant la maladie : un première réception des juges du fond
La présente affaire reposait sur les faits suivants.
Une salariée, exerçant alors des fonctions d’employée commerciale caisse, sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail auprès du juge prud’homal. Parmi les diverses revendications indemnitaires accompagnant son recours, se retrouve une demande de paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés.
Celle-ci est alors dirigée pour la période allant de 2018 à novembre 2020, période au cours de laquelle la salariée a accumulé de nombreux arrêts de travail pour maladie non professionnelle.
Sa demande est toutefois rejetée par le conseil de prud’hommes de Paris dans un jugement du 10 décembre 2020. Une solution somme toute logique dans la mesure où celle-ci a été rendue sous l’empire du droit antérieur à l’arrêt du 13 septembre 2023.
La salariée interjette appel. Pour autant, c’est dans un contexte tout à fait différent, marqué par la dernière prise de position de la Cour de cassation, que la cour d’appel de Paris est amenée à se prononcer.
Ce faisant, les juges du fond ne manquent pas l’occasion de s’inscrire dans son sillage et d’en offrir une première illustration pratique.
Reprenant la motivation de la Haute juridiction à l’identique, ces derniers en déduisent que la salariée avait effectivement acquis des droits à congés payés au cours de cette période. Constatant, dans un second temps, que cette dernière n’avait pas pu les mobiliser, elle condamne l’employeur au versement d’une indemnité de 6000 €.
Cet alignement, isolé pour l’heure, est naturellement appelé à se généraliser dans les temps à venir.
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Cour d’appel de Paris, Pôle 6, Chambre 9, 27 septembre 2023, n° RG 21/01244 (il convient de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre d’une période d’arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle)
Un remerciement tout particulier à Maître Delphine Borgel et Maître Michèle Bauer pour la communication de cette décision inédite.
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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