L’obligation de sécurité demeure applicable en l’absence de harcèlement moral

Publié le 08/01/2020 à 07:07, modifié le 16/01/2020 à 09:31 dans Obligations de l’employeur.

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Attention aux entreprises qui seraient tentées de traiter à la légère une alerte pour harcèlement moral insuffisamment étayée ! Dans un arrêt, la Cour de cassation rappelle que, dans cette situation, l’employeur reste tenu à une obligation de sécurité et doit conduire une enquête. Dès lors, comment agir ?

Accusation de harcèlement moral : la salariée doit rapporter des faits

Madame X est salariée d’une entreprise pharmaceutique. Dans un courrier du 12 décembre 2011, elle se plaint « de ses mauvaises conditions de travail » et du comportement de sa responsable qui « de façon très récurrente » « s’adresse à [elle] en hurlant » et par qui elle est à plusieurs reprises « brimée ».

Par la suite, madame X reproche entre autres à son employeur de ne pas avoir agi pour faire cesser ce harcèlement moral.

Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle que la salariée doit présenter « des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral » (Code du travail, art. L. 1154-1).

En l’occurrence, aucun agissement répété de ce type n’est établi.

Alerte en cas d’atteinte à la santé au travail : l’employeur doit agir

Cependant, la Cour de cassation note que l’entreprise aurait dû diligenter une enquête. L’arrêt souligne que « la salariée, (…) privée d’une enquête contradictoire destinée à faire la lumière sur les agissements dénoncés, ne pouvait se voir reprocher de ne pas établir leur existence ».

Par ailleurs, la Cour de cassation rappelle que l’employeur est tenu à une obligation de prévention des risques professionnels et doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (Code du travail, art. L. 4121-1).

Dans cette situation, madame X, dans un premier courrier du 14 octobre 2011, indique notamment « les problèmes rencontrés dans mon activité me minent terriblement, et ont des répercussions sur ma santé ». Par ailleurs, elle émet une alerte sur une situation supposée de harcèlement moral.

En résumé, l’absence d’enquête par l’entreprise peut constituer un manquement à son obligation de sécurité.

Comment traiter une alerte peu étayée ?

Pour reprendre le début du préambule de l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail, « le respect de la dignité des personnes à tous les niveaux est un principe fondamental qui ne peut être transgressé, y compris sur le lieu de travail ».

Aussi, une politique complète de prévention des violences internes au travail doit aller au-delà de la notion de harcèlement moral et de l’établissement des faits par les salariés se pensant victimes. L’enquête est de la responsabilité de l’employeur.

Outre l’anonymat et la discrétion, une procédure pour identifier, comprendre et traiter ces alertes doit respecter quelques principes :

  • traiter sans retard toute plainte ;
  • apporter une Ă©coute impartiale et un traitement Ă©quitable Ă  toutes les parties impliquĂ©es ;
  • Ă©tayer les plaintes.

C’est uniquement suite à analyse, voire enquête, que l’entreprise peut déterminer les actions appropriées.

Si des faits de violence sont établis, les actions relèvent de la sanction disciplinaire ou du recadrage par les services ressources humaines.

Si des faits de violence ne sont pas établis et que la personne plaignante est de bonne foi, il peut s’agir d’un conflit. Il est possible d’envisager une résolution par le biais de la conciliation ou de la médiation.

En revanche, comme évoqué dans l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010, les « fausses accusations délibérées ne doivent pas être tolérées, et peuvent entraîner des mesures disciplinaires ».

Enfin, outre une procédure permettant de traiter les alertes et d’y apporter des réponses appropriées, l’entreprise peut mettre en place des sensibilisations et d’autres actions de prévention.

La jurisprudence autour de l’obligation de sécurité de l’employeur est riche. Les Editions Tissot vous proposent leur documentation « Réglementation et jurisprudence en santé sécurité au travail ».


Cour de cassation, chambre sociale, 27 novembre 2019, n° 18-10.551 (l'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du Code du travail et ne se confond pas avec elle. En présence d’une alerte sur une situation supposée de harcèlement moral, l’employeur doit diligenter une enquête pour ne pas manquer à son obligation de sécurité)

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Michaël Bouvard

Chargé de mission qualité de vie au travail

Chargé de mission qualité de vie au travail, j'oeuvre sur différents sujets relevant de ce domaine : prévention et évaluation des risques psychosociaux, prise en compte de la qualité de vie au …