La liberté de circulation des représentants du personnel et le principe de sécurité dans l’entreprise : quelle articulation ?

Publié le 29/11/2019 à 07:12 dans Comité social et économique (CSE).

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Les représentants du personnel sont amenés, dans le cadre de leurs missions, à se déplacer dans l’entreprise ou entre les différents établissements qui la composent. Cependant, en raison de l’activité de la structure, certaines règles de sécurité peuvent être contraignantes pour les élus. Mais ces dispositions ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée à leur liberté de circulation. La Cour de cassation est venue nous apporter quelques précisions sur la question.

Liberté de circulation des représentants du personnel : l’étendue du principe

Les représentants du personnel ont le droit de circuler librement dans l’entreprise afin d’exercer leurs différentes missions, et notamment d’y rencontrer le personnel, de s’enquérir des conditions de travail ou de mener des inspections et des enquêtes en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

L’article L. 2315-14 du Code du travail (ou L. 2325-11 pour le comité d’entreprise) prévoit que « pour l'exercice de leurs fonctions, les membres élus de la délégation du personnel du comité social et économique et les représentants syndicaux au comité peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l'entreprise.
Ils peuvent également, tant durant les heures de délégation qu'en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l'entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l'accomplissement de leur mission, notamment auprès d'un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l'accomplissement du travail des salariés. »

Par conséquent, cette liberté ne peut être limitée par le règlement intérieur de l’entreprise ou du comité, une note de service, ou encore subordonnée à une autorisation préalable de l’employeur.

Les élus ont un droit d’accès à tous les locaux dans lesquels du personnel est employé. Cependant, il pourra y être apporté certaines limites :

  • l’élu devra respecter des consignes de sĂ©curitĂ© si l’activitĂ© et les locaux le justifient ;
  • il pourra ĂŞtre demandĂ© au membre du comitĂ© de se faire accompagner dans le cas oĂą il y aurait des autorisations nĂ©cessaires et/ou particulières pour entrer dans un local.

Zoom Tissot :
Pour rappel, les limites apportées par l’employeur ne doivent pas entraver la libre circulation des élus. Les représentants du personnel peuvent également se déplacer hors de l’entreprise pour l’exercice de leur mandat. A ce titre, ils peuvent effectuer tous les déplacements en rapport avec les missions qui sont les leurs.

Liberté de circulation des représentants du personnel : la notion d’atteinte disproportionnée

L’affaire en question concernait Servair, une filiale du groupe Air France, composée de quatre établissements à l’accès règlementé.

Un salarié élu du comité d’entreprise d’un des établissements (Servair 2) et également membre du comité central d’entreprise, reproche à son employeur de ne disposer que d'un titre de circulation aéroportuaire appelé « badge rouge » pour l'accès en zone réservée, délivré par les autorités préfectorales sur demande de l'employeur pour l'aéroport Charles de Gaulle, et d'un badge professionnel magnétisé « Servair 2 » lui permettant l'accès à cet établissement et à l'ensemble de ses services sans autre formalité que le passage par le portique de sécurité.

Le représentant du personnel estime qu’il doit également bénéficier de badges lui permettant l’accès direct aux autres établissements, ainsi qu’un « badge rouge » supplémentaire destiné à l’aéroport de La Réunion.

Il considère que cette situation constitue une atteinte disproportionnée à la liberté de circuler attachée à son mandat.

Pour la Cour de cassation, le refus de l’employeur d’accéder à ses demandes ne caractérise pas une atteinte disproportionnée. En effet, les juges considèrent que les précautions prévues au titre de la sécurité dans l'établissement Servair Siège concernaient toute personne étrangère à celui-ci sans distinction, et qu’une fois entré, l’élu était totalement libre de ses mouvements. Par conséquent, il n'était dont pas relevé d'atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir, pas plus que de rupture d'égalité avec des personnes dans la même situation que lui.

Concernant l’octroi d’un « badge rouge » pour l’aéroport de La Réunion, les juges estiment que l'enregistrement préalable au poste de sécurité, le port d'un badge et le déplacement sous escorte le temps de la visite n'étaient pas la marque d'une discrimination à l'égard du salarié ni l'instrument d'une entrave à ses activités syndicales.

Analyse Tissot :
Dans cette affaire, les juges distinguent la liberté de circulation de l’élu des règles sécuritaires inhérentes à l’activité de l’entreprise. Cela signifie que le statut de représentant du personnel n’exonère pas du respect des consignes de sécurité quand bien même elles imposent des formalités supplémentaires pouvant être contraignantes.
Dans le cas où l’élu n’aurait eu aucune possibilité d’accès à ces différents établissements, nul doute que la solution rendue par la Cour aurait été différente.

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Cour de cassation, chambre sociale, 9 octobre 2019, n° 18-13.914 (dès lors que les précautions prévues au titre de la sécurité concernaient toute personne étrangère sans distinction, et qu'une fois entré l’élu était totalement libre de ses mouvements, il n’est donc pas relevé d'atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir non plus que de rupture d'égalité avec des personnes dans la même situation)

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Marc Kustner

Gérant de la société FOKUS dédiée à la formation et à l'accompagnement des représentants du personnel (www.fokus-cse.com)

https://www.fokus-cse.com
Juriste et formateur en droit social
Spécialiste des relations sociales