Conventions collectives : la protection de la santé des salariés en forfait jours, un impératif pour l'employeur

Publié le 13/02/2023 à 09:36 dans Conventions collectives.

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Le forfait jours alimente régulièrement les litiges aux prud'hommes, notamment s'agissant de son volet relatif à la protection de la santé et de la sécurité des salariés. Illustration avec deux affaires sur ce thème passées récemment devant la Cour de cassation.

Conventions collectives : un salarié qui demande la nullité de sa convention de forfait jours

Dans une première affaire, après son licenciement, un salarié avait saisi les prud'hommes. Il demandait la nullité de la convention de forfait jours qu'il avait signée, estimant que celle-ci ne garantissait pas son droit au repos, à la sécurité et à la santé.

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Le sujet de la santé et de la sécurité du salarié en forfait jours est un impératif pour l’employeur. Il doit notamment s'assurer :

  • que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ;
  • de la bonne articulation entre l'activité professionnelle du salarié et sa vie personnelle.

Les juges d'appel avaient rejeté la demande du salarié. Ils avaient souligné que, selon l'accord d'entreprise applicable, les cadres dirigeants et les cadres autonomes travaillaient au maximum 217 jours par an sous réserve d'avoir acquis 25 jours de congés payés. Pour les juges, aucune atteinte aux droits à la sécurité, à la santé et au repos n'était établie.

A tort pour la Cour de cassation. Celle-ci relève que les dispositions de l'accord d'entreprise se bornent :

  • à rappeler que les cadres autonomes bénéficient des dispositions légales en matière de repos quotidien et hebdomadaire ;
  • à prévoir que ces cadres sont tenus de veiller au respect de ces repos et qu'un outil de planification et de suivi des journées travaillées et non-travaillées sera mis en place ;
  • et à indiquer que lors de l'entretien de fin d'année, le cadre fera le point avec son responsable hiérarchique sur l'organisation de son travail, l'amplitude de ses journées d'activité et la charge de travail qui en résulte.

Cet accord n'instaure donc pas de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. Il n'est ainsi pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.

Par conséquent, la convention de forfait en jours était nulle.

Conventions collectives : un syndicat qui conteste la régularité d'un forfait jours devant les juges

Dans une seconde affaire, là aussi le salarié avait saisi les prud'hommes suite à son licenciement. Il estimait que la convention de forfait qu'il avait signée se fondait sur un accord d'entreprise illégal. La particularité de l'affaire était qu'ici, un syndicat s'était joint à son action.

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Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. Par le passé, les juges ont déjà estimé qu'un syndicat peut agir en justice pour contraindre un employeur à mettre fin à un dispositif irrégulier de recours au forfait en jours.

Les juges d'appel avaient rejeté la demande en dommages et intérêts du syndicat, estimant notamment qu'il ne justifiait pas de l'existence du préjudice dont il demandait réparation.

Dans cette affaire aussi, la Cour de cassation s'est démarquée de la décision des juges du fond. Elle relève :

Or, dans cette affaire, le syndicat dénonçait la mise en place d'une convention de forfait sur la base de cet accord d'entreprise. Pour la Cour, il en résultait qu'une atteinte avait été portée à l'intérêt collectif de la profession. Par conséquent, les juges d'appel auraient dû évaluer les dommages et intérêts en réparation de ce préjudice.

L'affaire devra donc être rejugée sur ce point.


Cour de cassation, chambre sociale, 25 janvier 2023, n° 21-20.912 (toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires)
Cour de cassation, chambre sociale, 25 janvier 2023, n° 20-10.135 (les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent)