Les nouveautés relatives à la protection des salariés exposés aux rayonnements ionisants

Publié le 05/07/2023 à 06:00 dans Sécurité et santé au travail.

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Acté par la loi santé du 2 août 2021, le renforcement de la protection des salariés exposés aux rayonnements ionisants s’organise. Plusieurs de ses modalités viennent d’être définies par décret. Retour sur ces récentes nouveautés qui, pour certaines, entreront en vigueur d’ici 2024 ou 2025.

Classement des travailleurs exposés

Préalablement à l’affectation du salarié sur son poste de travail, l’employeur doit évaluer l’exposition individuelle de ce dernier aux rayonnements ionisants et le classer selon deux catégories : A ou B.

A présent, cette classification doit être réalisée comme suit.

Au sein de la catégorie A, se retrouvent les salariés susceptibles de recevoir au cours de douze mois consécutif :

  • une dose efficace supĂ©rieure Ă  6 millisieverts (mSv), hors exposition au radon ;

  • une dose Ă©quivalente supĂ©rieure Ă  15 mSv pour le cristallin ;

  • une dose Ă©quivalente supĂ©rieure Ă  150 mSv pour la peau et les extrĂ©mitĂ©s.

Au sein de la catégorie B, doivent être intégrés les salariés susceptibles de recevoir :

  • une dose efficace supĂ©rieure Ă  1 mSv ;

  • une dose Ă©quivalente supĂ©rieure Ă  50 mSv pour la peau et les extrĂ©mitĂ©s.

Clarification des modalités d’application de certaines règles

1° La contrainte de dose

Pour rappel, la contrainte de dose constitue une référence maximale d’exposition permettant d’optimiser la radioprotection des salariés exposés aux rayonnements ionisants.

Définies au regard des expositions prévisibles pour les salariés, elles doivent être dorénavant définies en :

  • dose efficace sur 12 mois pour une activitĂ© rĂ©gulière en zone contrĂ´lĂ©e, en zone d'extrĂ©mitĂ©s ou en zone radon ;

  • ou bien en dose efficace sur la durĂ©e d’intervention en zones contrĂ´lĂ©es jaune, orange ou rouge ou en zone d’opĂ©ration si des appareils de radiologie industrielle nĂ©cessitant un certificat d'aptitude sont utilisĂ©s.

Toujours dans l’optique d’optimiser la radioprotection, les contraintes de dose doivent être mises à jour périodiquement :

  • dans le cadre de l'Ă©valuation des risques ;

  • et après chaque modification des mĂ©thodes et des conditions de travail susceptibles d'affecter la santĂ© et la sĂ©curitĂ© des travailleurs.

2° L'utilisation du dosimètre opérationnel

Le décret pose tout d’abord une définition du dosimètre opérationnel. Il s’agit d’un dispositif électronique, muni d’alarmes paramétrables, permettant de mesurer en temps réel l'équivalent de dose ainsi que son débit.

A présent, et à des fins de surveillance radiologique préventive et d'alerte en cas d'exposition anormale, certains salariés doivent en être équipés. Cela concerne plus précisément :

  • les salariĂ©s entrant dans une zone contrĂ´lĂ©e (bleue, verte, jaune, orange, rouge) ;

  • les salariĂ©s classĂ©s et autorisĂ©s Ă  effectuer des manipulations dans une zone d'extrĂ©mitĂ©s ;

  • les salariĂ©s classĂ©s et autorisĂ©s Ă  intervenir dans une zone d'opĂ©ration.

S’il n'est pas possible d'utiliser un dosimètre opérationnel, et ce, pour des raisons techniques liées à la pratique professionnelle, l’employeur doit :

  • recourir Ă  un autre moyen de prĂ©vention en temps rĂ©el et d’alerte ;

  • ou justifier de l'absence d'un moyen technique adaptĂ©.

Les résultats obtenus doivent être transmis au salarié et enregistrés dans un outil permettant leur analyse dans le cadre de l'évaluation du risque ou de l'optimisation de la radioprotection.

Concernant, plus spécifiquement, les établissements comprenant une installation nucléaire de base, les niveaux d’exposition des salariés classés doivent être périodiquement transmis au système d'information et de surveillance de l'exposition aux rayonnements ionisants (SIRSI).

Un futur arrêté devra notamment préciser :

  • la mise en Ĺ“uvre des zones dĂ©limitĂ©es, dont les systèmes de sĂ©curitĂ© et surveillance associĂ©s, ainsi que des zones dĂ©limitĂ©es intermittentes ;

  • l'amĂ©nagement des lieux et locaux de travail exposant aux rayonnements ionisants ;

  • l'utilisation et les caractĂ©ristiques techniques du dosimètre opĂ©rationnel ;

  • les autres moyens adaptĂ©s pour la surveillance radiologique des salariĂ©s.

3° Les vérifications périodiques sur les moyens de transports ou sur les instruments de mesure

L'employeur doit s'assurer du bon fonctionnement :

  • des instruments ou dispositifs de mesurage ;

  • des dispositifs de dĂ©tection de la contamination ;

  • et des dosimètres opĂ©rationnels.

Le décret reprécise que ces vérifications doivent être réalisées périodiquement afin de garantir le maintien de leur performance de mesure en fonction de leur utilisation. Elle reprécise de même qu’elles doivent être réalisées ou supervisées par le conseiller en radioprotection et suivies, si nécessaire, d'un ajustage ou d'un étalonnage.

Continuité de service des experts en radioprotection

En matière d’organisation de la radioprotection, le décret impose à l’employeur d’assurer la continuité de service du conseiller en radioprotection dès lors que la situation et les enjeux radiologiques le nécessitent.

Evolution des modalités de formation et de délivrance du certificat d'aptitude à manipuler les appareils de radiologie industrielle

A présent, tout salarié utilisant des appareils de radiologie industrielle présentant des risques importants d'exposition aux rayonnements ionisants doit détenir un certificat d’aptitude. Celui-ci sera alors délivré, au nom de l'Etat, par l'Institut national de radioprotection et de sûreté nucléaire.

Le décret indique ensuite que, dans une zone d’opération, les appareils de radiologie industrielle ne peuvent être utilisés que par une équipe d'au moins 2 salariés de l'entreprise détentrice de l'appareil dont au moins un titulaire dudit certificat.

Un arrêté devra déterminer dans les prochains temps :

  • les appareils ou catĂ©gories d'appareils de radiologie industrielle dont la manipulation prĂ©sente des risques importants d'exposition aux rayonnements ionisants et nĂ©cessite la dĂ©tention du certificat d'aptitude ;

  • les conditions d'obtention, la durĂ©e de validitĂ© et les modalitĂ©s de renouvellement de ce certificat d'aptitude ;

  • les modalitĂ©s de dĂ©livrance du certificat d'aptitude par l'Institut de radioprotection et de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire ;

  • le rĂ©fĂ©rentiel d'Ă©valuation des compĂ©tences et connaissances requises pour l'obtention de ce certificat d'aptitude ;

  • les conditions pour qu'un organisme de formation professionnelle puisse proposer une formation prĂ©paratoire Ă  ce certificat d'aptitude.

Evolution de la certification des entreprises extérieures intervenant dans des zones contrôlées jaune, orange et rouge

Les entreprises extérieures dont les salariés réalisent, dans des zones contrôlées jaune, orange ou rouge, des activités susceptibles d'augmenter le risque d'exposition aux rayonnements ionisants, doivent être titulaires d'un certificat de qualification établissant leur capacité à accomplir certaines activités ou opérations sous rayonnements ionisants.

Un arrêté ultérieur sera amené à définir :

  • les activitĂ©s ou catĂ©gories d'activitĂ© pour lesquelles la certification est requise ;

  • les modalitĂ©s et conditions de certification des entreprises ;

  • les modalitĂ©s et conditions de prĂ©sence du conseiller en radioprotection ;

  • les modalitĂ©s de suivi des salariĂ©s intĂ©rimaires et de relations de ces derniers avec leur entreprise de travail temporaire ;

  • les modalitĂ©s et conditions d'accrĂ©ditation des organismes chargĂ©s de la certification.

Renforcement des compétences des professionnels de santé au travail assurant le suivi individuel renforcé des salariés exposés aux rayonnements ionisants

Les salariés exposés aux rayonnements ionisants font l’objet d’un suivi médical renforcé.

Le décret prévoit que, pour pouvoir procéder à ce suivi, le médecin du travail ainsi que les professionnels de santé placés sous son autorité devront suivre une formation spécifique préalable sur les risques liés aux rayonnements ionisants et sur le dispositif de surveillance dosimétrique individuelle.

Une fois encore, un prochain arrêté fixera :

  • le contenu de la formation en fonction des professionnels de santĂ© au travail concernĂ©s et du type d'exposition, ainsi que les modalitĂ©s de son renouvellement ;

  • les modalitĂ©s de reconnaissance des connaissances, des compĂ©tences et de l'expĂ©rience du professionnel de santĂ© au travail comme valant satisfaction de l'obligation de formation ;

  • les conditions pour qu'un organisme de formation puisse dispenser cette formation.

D’autre part, les services de prévention et de santé au travail (SPST) devront disposer d’un nouveau type d’agrément complémentaire à celui préexistant. Également délivré par l’administration du travail pour une durée de 5 ans, le SPST devra, pour l’obtenir, respecter un cahier des charges dont les contours seront ultérieurement définis par voie d’arrêté. Par ailleurs, les deux agréments pourront être demandés conjointement.

Notez le

L’abrogation de l’agrément initial emportera abrogation de l’agrément complémentaire.

Renforcement de l’accès au système d'information et de surveillance de l'exposition aux rayonnements ionisants (SISERI) pour les professionnels de santé au travail

Le médecin du travail a accès, sous leur forme nominative, aux résultats de la surveillance dosimétrique individuelle ainsi qu'à la dose efficace de chaque travailleur dont il assure le suivi individuel renforcé.

Il peut, à présent, ouvrir l'accès à ces données :

  • sur sa dĂ©lĂ©gation et sous sa responsabilitĂ©, aux professionnels de santĂ© qui sont placĂ©s sous son autoritĂ© ;

  • Ă  des mĂ©decins du travail d'un autre SPST pouvant assurer une partie du suivi individuel renforcĂ©.

Pourront également avoir accès, sous leur forme nominative, aux doses efficaces reçues par les salariés ainsi qu'aux résultats de la dosimétrie externe :

  • les agents de contrĂ´le de l'inspection du travail et les agents de contrĂ´le assimilĂ©s ;

  • les inspecteurs de la radioprotection.

Entrées en vigueur

Les mesures présentées ne sont pas toutes soumises à une même date d’entrée en vigueur.

Ainsi, le décret est en vigueur depuis le 22 juin 2023 à l’exclusion des dispositions relatives :

  • au suivi individuel renforcĂ© du travailleur exposĂ© aux rayonnements ionisants dont l’entrĂ©e en vigueur est fixĂ©e au 1er janvier 2024 ;

  • Ă  la certification des entreprises intervenant en zones contrĂ´lĂ©es dont l’entrĂ©e en vigueur est prĂ©vue au 1er janvier 2025 ;

  • au certificat d'aptitude Ă  manipuler des appareils de radiologie industrielle qui entrent en vigueur au 1er janvier 2025.

Pour autant, comme nous l’avons vu, la pleine effectivité de certaines mesures demeure encore suspendue à publication d’un arrêté interministériel.

Un premier arrêté relatif aux modalités d'enregistrement et d'accès au système d'information et de surveillance de l'exposition aux rayonnements ionisants (SISERI) a été publié le 24 juin 2023. Pour prendre connaissance de son contenu :

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot