Licenciement d’un salarié protégé : le juge judiciaire peut rechercher la cause de l’inaptitude justifiant la rupture du contrat

Publié le 16/06/2023 à 08:19 dans Protection des RP.

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Lorsque l’employeur souhaite licencier un salarié protégé, il doit obligatoirement formuler une demande d’autorisation préalable auprès de l’administration du travail (DREETS). Dans certains cas, des éléments complémentaires viennent complexifier l’opération. La Cour de cassation nous en donne ici un exemple avec le cas d’une salariée protégée licenciée pour inaptitude.

Statut protecteur des représentants du personnel : quel champ d’application ?

Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’une protection contre le licenciement à proprement parler. En effet, ce statut spécifique ne protège pas les représentant du personnel des licenciements pour motif personnel disciplinaire et non disciplinaire, ou pour motif économique.

Mais ce statut a pour vocation d’éviter que l’employeur ne licencie un salarié pour un motif, directement ou indirectement, lié notamment :

  • Ă  la demande d’organisation d’élections professionnelles ;
  • Ă  la candidature aux Ă©lections professionnelles ;
  • Ă  l’exercice du mandat.

Notez le

Les articles L. 2411-1 et suivants du Code du travail définissent les cas, les durées et les périodes de protection pour les représentants du personnel.

La procédure de licenciement d’un salarié protégé se déroule donc en quatre étapes :

  • 1ère Ă©tape : convocation du salariĂ© pour un entretien prĂ©alable ;
  • 2e Ă©tape : entretien prĂ©alable ;
  • 3e Ă©tape : autorisation prĂ©alable de l'inspection du travail ;
  • 4e Ă©tape : notification du licenciement.

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Ce qui va distinguer cette procédure spécifique de la procédure classique de licenciement est l’intervention de l’inspection du travail. En effet, son autorisation préalable vise à éviter que le licenciement ait pour fait générateur la candidature du salarié aux élections professionnelles.

Statut protecteur des représentants du personnel : le juge judiciaire peut rechercher la cause de l’inaptitude

Il est important de rappeler que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude, il appartient à l'administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement.

En l’espèce, une salariée élue reconnue inapte avec impossibilité de reclassement suite à deux avis médicaux, avait été licenciée pour inaptitude par son employeur. Ce dernier avait bien demandé l’autorisation de l’administration, qui avait donné son accord.

Mais suite à cela, la salariée a saisi la juridiction prud'homale en faisant valoir que son inaptitude résultait de faits de harcèlement moral liés à une discrimination syndicale de la part de son employeur.

L’entreprise soutient le fait que l’agent de contrôle de l’inspection du travail a autorisé le licenciement alors qu’il doit vérifier qu’il n’y a pas de lien avec l’exercice du mandat de représentant du personnel. Cela fait donc obstacle à ce que le juge prud'homal se prononce sur une demande du salarié tendant à voir juger son licenciement nul, comme résultant d'un harcèlement moral en lien avec l'exercice de ses mandats ou son appartenance syndicale.

Pour la Cour de cassation, la salariée peut, malgré l’autorisation préalable de l’administration, demander ensuite à faire reconnaitre devant le juge judiciaire le fait que son inaptitude résulte d’un harcèlement moral et d’une discrimination syndicale. En effet, il s’agit d’un manquement de l’employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité.

Le juge rappelle également que l’administration n’a pas, dans l'exercice de ce contrôle, à rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral ou d'une discrimination syndicale qui aurait pour conséquence la nullité de la rupture du contrat de travail.


Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2023, n° 21-21.349 (dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude, il appartient à l'administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement. Il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral ou d'une discrimination syndicale)

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Marc Kustner

Gérant de la société FOKUS dédiée à la formation et à l'accompagnement des représentants du personnel (www.fokus-cse.com)

https://www.fokus-cse.com
Juriste et formateur en droit social
Spécialiste des relations sociales