Transport sur les chantiers du BTP : les impacts financiers du passage par le siège

Publié le 29/01/2024 à 16:09 dans Temps de travail BTP.

Temps de lecture : 5 min

Comment limiter les coûts pour l’entreprise en termes d’indemnisation du temps et des frais engagés par les salariés pour se rendre quotidiennement sur les chantiers en petits déplacements ? Voilà une question-type posée régulièrement par les employeurs du BTP. Il existe plusieurs possibilités dans le traitement des temps et des frais de trajet. Les juges viennent d’encadrer à nouveau la solution du passage au siège facultatif.

Trajet domicile-chantiers BTP : l’intérêt de l’option pour le passage au siège

Parmi les solutions d’organisation des trajets domicile-chantiers offertes aux entreprises du BTP, figure le recours au passage au siège facultatif.

Le principe ? Proposer aux salariés de passer au siège avant de se rendre sur les chantiers en petits déplacements. Ils sont alors transportés à la charge de l’entreprise sur les chantiers et ramenés au siège à la fin de la journée de travail.

Dès lors, lorsque ce passage est proposé aux salariés comme alternative au trajet effectué par le salarié directement sur les chantiers à partir de son domicile, il permet à l’employeur de ne pas avoir à verser d’indemnités de transports en application du régime conventionnel de petits déplacements.

Par contre, l’entreprise reste contrainte de verser les indemnités de trajets et de prendre en charge le cas échéant la moitié des abonnements de transport utilisés par le salarié pour le trajet domicile-siège.

Attention

Quant au traitement du temps de trajet, le passage par le siège proposé à titre facultatif n’a pas d’impact sur le point de départ de la journée de travail : elle débute uniquement à l’arrivée sur le chantier et non à l’arrivée au siège. Et aucune contrepartie financière ou en repos n’est due pour le temps compris entre l’arrivée au siège et l’arrivée au chantier (règle rappelée par la circulaire DRT n° 2013-06 du 14 avril 2003).

Si l’employeur opte pour la solution d’un passage au siège optionnel, il doit afficher une note de service précisant le choix laissé pour se rendre sur le chantier afin d'éviter de futurs contentieux sur l'indemnisation des déplacements. Cette note de service doit aussi préciser que le transport proposé ne constitue pas un avantage en nature et qu'il peut être supprimé à tout moment.

Trajet domicile-chantiers : les risques liés à l’option pour le passage au siège

La solution d’un passage au siège optionnel est donc une option financièrement intéressante pour l’entreprise. Mais elle n’est pas dénuée de risques juridiques.

Ainsi, pour le salarié amené le cas échéant à conduire le véhicule transportant ses collègues sur les chantiers, pas de versement d’indemnités de transport. Cependant, la journée de travail de ce conducteur débute à l’arrivée au siège et non à l’arrivée sur les chantiers : il doit donc être payé selon son salaire habituel pour le temps de trajet entre siège et chantiers. Cela pouvant entraîner le versement des heures supplémentaires en fin de semaine au conducteur.

Autre cas : le salarié pour lequel le contrat de travail précise qu’il doit passer chaque matin au dépôt pour bénéficier du véhicule mis à la disposition du chef d'équipe et qu'ils doivent fixer ensemble l'heure du rendez-vous. Il faut alors considérer que le passage au siège est obligatoire : le temps de travail du passager débute comme le conducteur à l’arrivée au siège et non à l’arrivée sur chantier (Cassation sociale, 21 juin 2023, n° 21-23.451).

Dernière situation mise en lumière par les juges : celle du salarié qui, au passage au siège, doit récupérer le matériel nécessaire au déroulement des chantiers et qui doit, en fin de journée, rédiger des rapports de chantier et faire un point en face en face avec la hiérarchie et les autres services au siège. Si l’employeur a mis en place une note de service prévoyant un passage au siège à titre facultatif, comment doit-être évaluée la situation du salarié ? La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 janvier 2024, indique que le salarié contraint « de se rendre, avant d'aller sur le chantier, au siège de l'entreprise pour récupérer le matériel nécessaire et, au retour du chantier, pour faire le bilan de la journée » se tient à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Il doit donc être payé dès son arrivée sur le siège et jusqu’à son départ du siège pour se rendre à son domicile.

Conseil

Mettre en place une note de service prévoyant un transport facultatif siège-chantiers ne constitue donc pas la solution miracle pour les entreprises. Elle reste intéressante, notamment lorsque le conducteur est le chef d’entreprise lui-même. Il faut cependant être prudent dans les actes demandés aux salariés lors du passage au siège : attention à ne pas faire figurer dans le contrat de travail, note de service, courrier ou courriel, des consignes imposant par exemple aux salariés de remplir puis vider le véhicule de l’entreprise avant le départ du siège puis au retour du chantier en fin de journée !

Cour de cassation, chambre sociale, 17 janvier 2024, n° 22-21.823 (le salarié contraint de se rendre, avant d'aller sur le chantier, au siège de l'entreprise pour récupérer le matériel nécessaire et, au retour du chantier, pour faire le bilan de la journée est à la disposition de l’employeur, ce temps doit être considéré comme du temps de travail effectif)

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Olivier Castell

Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr

Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …