Temps d’habillage/déshabillage : quid de la nécessité de se changer sur le lieu de travail ?

Publié le 26/01/2018 à 08:00, modifié le 29/01/2018 à 15:42 dans Rémunération BTP.

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Si les conditions d’attribution sont remplies, les salariés astreints au port d’une tenue de travail peuvent bénéficier de contreparties financières ou en repos. Dans le secteur du BTP, le port de vêtements de travail s’impose par l’application des règles générales de prévention incombant à l’employeur. Ces contreparties s’imposent-elles si l’employeur accepte que des salariés quittent l’entreprise en tenue de travail ?

Temps d’habillage/déshabillage : contreparties sous conditions cumulatives

Pour que le temps d’habillage et de déshabillage fasse l’objet de contreparties (sous forme de repos ou sous forme financière), deux conditions cumulatives doivent être réunies (Code du travail, art. L. 3121-3) :

  • le port d’une tenue de travail doit ĂŞtre imposĂ©e par des dispositions lĂ©gales, des stipulations conventionnelles, le règlement intĂ©rieur ou le contrat de travail et ;
  • l’habillage et le dĂ©shabillage doivent ĂŞtre rĂ©alisĂ©s dans l’entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties peuvent être prévues par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche ou par le contrat de travail.

Notez-le
Il n’y pas de disposition spécifique prévues par les conventions collectives du BTP sur ces contreparties.

Le temps d’habillage ou de déshabillage peut être assimilé à du temps de travail effectif. A défaut d’une telle assimilation, les temps nécessaires à l’habillage et au déshabillage ne sont pas du temps de travail effectif.

Dans le BTP, la première condition s’impose en raison des règles générales de prévention qui vous incombent. Reste à démontrer que le salarié a l’obligation de se changer dans l’entreprise ou sur son lieu de travail. Les juges ont déjà admis que ce critère pouvait être rempli en prenant en considération les circonstances de fait (notamment les conditions d’insalubrité). Qu’en est-il lorsque certains salariés décident de ne pas se changer sur leur lieu de travail ? La Cour de cassation revient sur l’étendue de cette seconde condition.

Temps d’habillage/déshabillage : prise en compte de circonstances de fait

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, un salarié avait saisi le juge prud’homal afin que lui soit payée une prime d’habillage ou de déshabillage. La cour d’appel avait fait droit aux allégations du salarié. Pour l’employeur cette contrepartie n’avait pas lieu de s’appliquer puisque l’entreprise ne contraignait pas les salariés (avitailleurs) à se vêtir ou se dévêtir de leur tenue sur le lieu de travail et qu’une partie des salariés quittaient l’entreprise en tenue de travail. Aussi, le fait que leur tenue était systématiquement lavée par une entreprise de blanchisserie professionnelle et mise à leur disposition à chaque prise de service, n’avait selon l’employeur aucune incidence.

Les hauts magistrats rappellent cependant que l’obligation de se changer sur le lieu de travail peut être implicite. L’arrêt des juges du fond est ainsi confirmé aux motifs que :

  • il n’était pas contestĂ© que le salariĂ© Ă©tait astreint au port d’une tenue de travail et que ;
  • les salariĂ©s qui Ă©taient, directement ou par imprĂ©gnation des vapeurs, en contact avec des hydrocarbures avaient pour obligation de confier le nettoyage de leurs tenues Ă  l’entreprise. Cela permettait de dĂ©duire que les conditions d’insalubritĂ© dans lesquelles ils travaillaient leur imposaient de procĂ©der aux opĂ©rations d’habillage et de dĂ©shabillage sur leur lieu de travail, peu important la dĂ©cision d’autres employĂ©s de ne pas changer de tenue sur place.

Dès lors que les deux conditions d’attributions sont réunies, l’employeur est tenu de mettre en place les contreparties au temps d’habillage/ déshabillage. Le fait que l’employeur ne contraignait pas les salariés à se changer sur place de sorte que certains salariés quittaient l’entreprise en tenue de travail n’a pas d’incidence. Les conditions d’insalubrité, à elles seules, permettent de déduire la nécessité de se changer sur le lieu de travail.

Les circonstances de fait rendant indispensable l’habillage ou le déshabillage sur le lieu de travail suffisent. L’interprétation opérée par les juges s’inscrit dans la lignée des jurisprudences antérieures (voir notre article : Tenues de travail : les contreparties).

Pour toutes vos questions sur la rémunération des temps d’habillage et de déshabillage mais aussi des temps de pause ou de douche, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Gestion pratique du personnel et des rémunérations du BTP ».

Cour de cassation, chambre sociale, 20 décembre 2017, n° 16-22300 (les conditions d'insalubrité dans lesquelles travaillent les salariés leur impose de procéder aux opérations d'habillage et de déshabillage sur leur lieu de travail, peu important la décision d'autres employés de ne pas procéder ainsi).

Leslie Lacalmontie

Juriste-rédactrice