Preuve des heures supplémentaires : dès que le salarié apporte un élément, il faut répondre !

Publié le 25/09/2023 à 13:39, modifié le 22/12/2023 à 13:47 dans Rémunération BTP.

Temps de lecture : 4 min

Les procès sur les heures supplémentaires sont particulièrement nombreux et vous devez être à même de répondre à tout élément fourni par le salarié. Illustration avec une nouvelle affaire où l’employeur n’avait fourni au dossier qu’un planning précis sur les horaires effectués par l'intéressé. Ce qui n’a pas suffi…

Heures supplémentaires impayées : une preuve partagée

S’agissant des heures supplémentaires, la charge de la preuve est partagée entre le salarié et vous (Code du travail, art. L. 3171-4).

En pratique, le salarié qui demande en justice le paiement d’heures supplémentaires qu’il prétend avoir réalisé doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Il ne peut pas se contenter d’affirmer qu’il a effectué des heures supplémentaires. Il doit étayer sa demande et rapporter la preuve de ce qu’il avance, par tout moyen (des relevés d’heures, des courriels, un agenda, des témoignages, etc.).

Dès lors que le salarié produit bien des éléments suffisamment précis, vous êtes tenu d’y répondre et de fournir vos propres éléments de preuve.

Bon Ă  savoir

Les heures supplémentaires, qui sont en principe effectuées à la demande de l’employeur et en fonction des nécessités de service, posent alors régulièrement la problématique des heures supplémentaires tacites, c’est-à-dire les heures implicitement acceptées par l’employeur. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation rappelle régulièrement que lorsque vous n’avez pas demandé expressément des heures supplémentaires, vous devez prouver :

  • soit que vous avez refusĂ© leur accomplissement ;
  • soit que ces heures n’étaient pas indispensables Ă  la rĂ©alisation des tâches confiĂ©es.

Illustration du partage de la preuve

Dans une affaire récente, le salarié qui réclamait le paiement d’heures supplémentaires produisait des tableaux et des fiches journalières intitulées « mains courantes » faisant apparaître un nombre d'heures travaillées supérieur au nombre d'heures payées.

Demande rejetée au niveau de la cour d’appel qui relève que ces documents ne couvrent pas la totalité de la période concernée par la demande. En outre, les pièces versées contenaient des incohérences entre elles (pas toujours la même demande d’heures supplémentaires pour le même jour). Les juges ont aussi relevé que le salarié soutenait fréquemment finir ses journées de travail après 20 heures alors que le chantier sur lequel il était affecté prévoyait une présence jusqu'à 18 heures et que la réalité des autres services qu'il prétend avoir effectués aux mêmes dates ne ressort pas précisément des documents versés au dossier. Dernier élément cité en faveur du rejet : des attestations de ses collègues disant que le salarié était connu pour « gonfler ses heures ».

De son côté l'employeur apporte au dossier un planning précis sur les horaires effectués par l'intéressé.

La cour d'appel en a déduit que les éléments apportés par le salarié n'étaient pas suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies.

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis : c’était suffisamment précis pour que l’employeur doive y répondre. Apporter au dossier un planning ne suffit pas…

La Cour de cassation rappelle également que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, vous devez établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Le CSE peut consulter ces documents. Vous devez aussi tenir à la disposition de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

Cette décision rappelle une fois de plus l’importance d’établir un suivi assidu et sérieux du temps de travail des salariés ainsi que des moyens formels : fiches de temps signées, relevés d’heures, outil informatique, etc.

Vous trouverez tous les détails sur la rémunération des heures supplémentaires dans le Bâtiment et les majorations applicables dans notre documentation « Social Bâtiment ACTIV ».

Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 22-14.499 (lorsque le salarié présente des éléments suffisamment précis sur sa demande d’heures supplémentaires, l'employeur doit y répondre)

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Anne-Lise Castell

Juriste en droit social