Conventions collectives : un employeur peut-il imposer à un salarié un retour dans son poste initial ?

Publié le 28/08/2023 à 09:42 dans Conventions collectives.

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Dans le cadre de l'organisation du travail dans l’entreprise, l’employeur peut être amené à envisager le changement de poste d’un salarié. Attention alors à bien cerner l'impact que ce changement va avoir sur la relation de travail. Selon que ce changement concerne le contrat de travail ou les conditions de travail, les conséquences ne seront pas les mêmes...

Conventions collectives : après un changement de fonctions, un salarié se voit réaffecté à son poste initial

Une salariée avait été embauchée en octobre 2012 en qualité d'auxiliaire ambulancière. Par la suite, à compter de juin 2016, la salariée s'était trouvée affectée à des tâches administratives. Enfin, en février 2018, l'employeur l'avait informée de son affectation sur un poste d'auxiliaire ambulancière à compter de mars 2018.

En désaccord avec cette affectation, la salariée n'avait pas repris le travail. Elle avait été licenciée pour faute grave, au titre d'un abandon de poste.

La salariée avait alors saisi les prud'hommes pour contester son licenciement. Elle estimait que le retour dans l'emploi d'auxiliaire ambulancier constituait une modification de son contrat de travail qui nécessitait son accord.

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Il faut distinguer la modification du contrat de travail de la modification des conditions de travail. Lorsque l’employeur souhaite modifier un élément essentiel du contrat de travail (ex : rémunération, fonctions), cela nécessite l’accord du salarié concerné. Celui-ci est en droit de la refuser sans que cela constitue une faute de sa part.
En revanche, si les modifications décidées par l’employeur ne constituent qu’un changement des conditions de travail du salarié, l’employeur peut lui imposer ces changements, dans le cadre de son pouvoir de direction. Dans ce cas, un refus du salarié constitue une faute pouvant justifier son licenciement.

Dans cette affaire, la salariée invoquait les dispositions de la convention collective des transports routiers (article 4 de l’annexe n° 1 « ouvriers » du 16 juin 1961) : « Lorsqu'un ouvrier est affecté définitivement à un emploi différent de son emploi habituel, le changement d'emploi doit faire l'objet d'une notification écrite.
Si le nouvel emploi comporte un salaire garanti inférieur à celui de l'ancien emploi, l'ouvrier a le droit, sauf si l'employeur lui maintient les avantages de son ancien emploi, de ne pas accepter ce déclassement. Si l'ouvrier refuse, le contrat est considéré comme rompu du fait de l'employeur ; s'il accepte, il est rémunéré dans les conditions correspondant à son nouvel emploi ».

Pour la salariée, son affectation à un poste administratif en juin 2016, pendant une durée de 18 mois, ne constituait pas un emploi temporaire, mais un changement d'emploi définitif au sens de l'article 4 de l'accord du 16 juin 1961. Par conséquent, la réaffectation de la salariée à son poste initial d'auxiliaire ambulancière ne pouvait se faire sans son consentement.

Conventions collectives : un retour dans les fonctions antérieures qui nécessite l'accord du salarié

Mais devant les premiers juges, la salariée n'avait pas obtenu gain de cause. Ceux-ci avaient considéré que le licenciement pour faute grave était bien fondé. En effet, pour les juges, le retour de la salariée dans l'emploi d'auxiliaire ambulancier constituait une modification de ses conditions de travail et ne nécessitait pas son accord.

L'affaire est arrivée devant la Cour de cassation, qui ne l'a pas entendu ainsi.

La Cour reprend l'exposé des premiers juges, qui avaient relevé que :

  • l'employeur n'avait pas respecté les dispositions de l'article 4 (signature d'un avenant de modification du contrat de travail relatif à la modification de l'emploi et notification écrite de l'affectation définitive à un emploi différent de l'emploi habituel) ;
  • l'exercice d'un emploi distinct, même pendant une longue durée, n'a pas pour conséquence de priver d'effet le contrat de travail sur la désignation initiale de l'emploi ;
  • dans ces conditions, le retour de la salariée dans l'emploi d'auxiliaire ambulancier constituait une modification de ses conditions de travail et ne nécessitait pas son accord.

A tort pour la Cour de cassation, dès lors que l’affectation de la salariée en 2016 dans un emploi distinct ne constituait pas un emploi temporaire. Par conséquent, le retour de la salariée dans ses fonctions antérieures constituait une modification du contrat de travail nécessitant son accord.

En d'autres termes, l'affaire devra être rejugée...


Cour de cassation, chambre sociale, 21 juin 2023, n° 22-13.514 (la modification de son contrat de travail ne peut être imposée au salarié)