Conventions collectives : quelle conséquence sur la procédure de licenciement lorsque le juge écarte la faute grave ?

Publié le 02/01/2023 à 07:30 dans Conventions collectives.

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Certaines conventions collectives encadrent les procédures de licenciement disciplinaire, en ajoutant des garanties au profit des salariés. Souvent, ces garanties ne s'appliquent pas lorsqu'une faute grave est reprochée au salarié. Mais dans ce cas, si devant le juge, la faute grave est invalidée, c'est toute la procédure de licenciement qui se retrouve mise en cause...

Conventions collectives : un licenciement pour faute grave fondé sur la suppression de milliers de courriels

Le directeur général d'une association de gestion d'instituts pour enfants et adultes handicapés mentaux avait été licencié pour faute grave. Il avait alors saisi les prud'hommes pour contester cette rupture et obtenir le paiement de diverses sommes.

L'employeur fondait le licenciement pour faute grave du salarié sur le motif suivant : peu après un audit qui avait mis en évidence ses graves insuffisances professionnelles, l'intéressé avait détruit de nombreux messages électroniques reçus et envoyés sur sa messagerie professionnelle nominative (plus de 2600) et procédé au transfert de certains de ces messages à l'extérieur de l'association.

La cour d'appel s'était positionnée en faveur du salarié, une décision validée par la Cour de cassation.

Conventions collectives : des circonstances qui enlèvent à la faute son caractère de gravité

Dans un premier temps, la cour d'appel avait invalidé la faute grave. Pour cela, elle avait relevé que, si la destruction de milliers de messages électroniques professionnels constituait une faute du directeur général au regard de ses obligations contractuelles, un certain nombre d'éléments enlevaient à cette faute son caractère de gravité :

  • le dĂ©faut de charte informatique pour rĂ©glementer le fonctionnement et l'usage des outils informatiques mis Ă  disposition des salariĂ©s dans le cadre de leur travail ;

  • la procĂ©dure de traitement des courriels au sein de l'association (la très grande majoritĂ© des courriels transitaient par la boĂ®te de la secrĂ©taire de direction qui en conservait trace) ;

  • le fait que l'association, qui avait pu finalement procĂ©der Ă  la restauration de l'intĂ©gralitĂ© des messages supprimĂ©s, n'allĂ©guait aucun prĂ©judice.

La cour d'appel avait donc estimé que les faits reprochés au salarié ne constituaient pas une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Conventions collectives : procédure conventionnelle non respectée, licenciement invalidé

Dans un deuxième temps, la cour d'appel avait tiré les conséquences de l'absence de faute grave. Elle avait ainsi relevé que la convention collective applicable (art. 33, alinéa 4 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées) interdisait, sauf en cas de faute grave, toute mesure de licenciement disciplinaire à l'égard d'un salarié n'ayant pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions suivantes :

  • l'observation ;

  • l'avertissement ;

  • ou la mise Ă  pied avec ou sans salaire pour un maximum de 3 jours.

Or les juges avaient ici constaté que l'intéressé n'avait fait l'objet d'aucune de ces sanctions préalables.

Par conséquent, l'employeur ne pouvait pas fonder un licenciement disciplinaire sur le seul grief tiré de la suppression et du transfert de courriels personnels, qui ne constituait pas une faute grave.

L'affaire devra donc être rejugée.


Cour de cassation, chambre sociale, 7 décembre 2022, n° 21-11.206 (la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées du 15 mars 1966, interdit, sauf en cas de faute grave, toute mesure de licenciement disciplinaire à l'égard d'un salarié n'ayant pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions suivantes : l'observation, l'avertissement ou la mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de trois jours)