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Nouvelles technologies au travail : aliénation ou libération ?

Publié le 01/02/2011 à 13:54.

Temps de lecture : 4 min

Les Editions Tissot, maison spécialisée depuis quarante ans dans l’édition de publications juridiques en droit du travail à destination des employeurs, ont fait réaliser, en janvier 2011, un sondage sur les rapports qu’entretiennent les salariés avec les nouvelles technologies et l’impact sur leur mode de vie.

A l’heure où les entreprises équipent leurs salariés de smartphones, connexions Internet, ordinateurs portables, etc. les Editions Tissot se posent la question de « La nouvelle frontière entre vie professionnelle et vie privée « .

Les résultats du sondage indiquent que sur les 7 cadres sur 10 qui bénéficient d’outils de connexion à distance : 73 % d’entre eux travaillent hors de leur bureau.

Mais ils sont aussi 78 % Ă  se connecter, Ă  titre de divertissement, durant leur temps de travail.

Les exceptions « ordinaires » au temps de travail légal se multiplient surtout chez les cadres qui continuent à travailler chez eux après une journée de travail.

50 % pendant leur week-end, 38 % pendant leur RTT, 24 % durant leurs trajets …Et 26 % pendant leur arrêt maladie.

Ici, avec Internet et les nouveaux outils de nomadisme, on peut mesurer la perte « substantielle » de vie privée. D’ailleurs, aux Etats-Unis, des salariés se mobilisent pour demander la rémunération de ce temps intermédiaire – supplémentaire passé à répondre aux messages en dehors du bureau.

Pour autant, cette dépendance paraît « invisible » pour 72 % des cadres qui estiment « se sentir libérés par la technologie, à la fois plus responsables et épanouis dans la gestion de leur temps ». Cette nouvelle flexibilité du temps de travail est perçue comme positive, moderne et libératoire.

A l’opposé, ils sont déjà 26 % des cadres à se sentir « aliénés, Internet faisant insidieusement pénétrer le travail dans leur vie personnelle ». Pour ces salariés, la liberté (ou la non liberté) n’est pas une réalité, mais une manière variable de ressentir la contrainte. La liberté serait en réalité pour eux un changement d’obligation.

Reste que pour 43 % des cadres, un glissement semble s’être opéré et « la frontière entre vie privée et professionnelle apparaît comme de moins en moins marquée ». Ce qui n’est pas nécessairement perçu en négatif, comme un amoindrissement progressif de la sphère privée, mais plutôt comme un état assumé de ses responsabilités.

Enfin, 41 % des cadres pensent que le lieu de travail sera dans l’avenir « dématérialisé ». Demain, la productivité supposera une pluri-activité, notamment hors du bureau. Cela correspond déjà à une certaine réalité. On sait que les idées, moments d’inspiration, peuvent venir inopinément, en dehors des horaires pour des professions intellectuelles par exemple.

Internet peut donc accroître le temps de travail du salarié en dehors de l’entreprise, mais inversement, il peut induire des effets pervers à l’intérieur de celle-ci :

En effet, 78 % des cadres utilisent Internet à des fins de divertissement, 35 % pour regarder l’actualité, 29 % pour surfer, 15 % pour faire des achats et 20 % pour communiquer via des réseaux sociaux ou leur messagerie.

Si la loi permet d’envisager le licenciement pour faute grave face à un usage abusif d’Internet à titre personnel, les experts des Editions Tissot notent que la Cour de cassation a qualifié, le 18 mars 2009, d’usage abusif le fait pour un salarié d’avoir passé plus de 40 heures sur 1 mois à des activités personnelles sur Internet, soit une moyenne de 2 heures par jour de travail !

Pour le sociologue, Ronan Chastellier, cette situation serait d’une certaine manière pour l’entreprise l’accompagnement non voulu de la chose voulue !

Il considère que cette zone « tampon » du travail à distance, non comptabilisée, nous incite à envisager une nouvelle notion : « le temps de travail à distance » qui vient troubler l’immuable durée légale du travail. Les objets communicants permettent en effet de changer de perspective. Non seulement, ces formats de portabilité apportent une utilisation intensive du temps au sein des entreprises (immédiateté, flexibilité, etc.), mais ils semblent insidieusement augmenter le temps de travail à l’extérieur. C’est probablement Internet qui aura raison des « 35 heures » car pour le salarié devenu « branché mais distant », la question de la limitation du temps de travail, sauf à avoir un compteur, ne se posera plus. Au-delà de tous les avantages que peuvent apporter les nouvelles technologies… se pose aussi la question du progrès comme possibilité de perversion, régression vers un mal.

Sondage des Editions Tissot réalisé par OpinionWay auprès d’un échantillon représentatif de 1154 personnes, salariés du privé ou du public, âgés de 18 ans et plus, du 5 au 13 janvier 2011.

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