Repas au restaurant lors de petits déplacements du BTP : le point sur les obligations des entreprises en matière de prise en charge et de régime social pour 2024

Publié le 20/02/2024 à 07:22 dans Rémunération BTP.

Temps de lecture : 5 min

La question des obligations des entreprises du BTP en matière de financement des repas des salariés de chantiers reste toujours une problématique importante en 2024. Le Bulletin officiel de la Sécurité sociale fait office de cadre de référence tout comme les textes des conventions collectives nationales. Aux employeurs de vérifier en fonction de leurs choix de prise en charge le régime social à appliquer en 2024.

Salariés de chantier et repas au restaurant : l’obligation de prise en charge incombant à l’entreprise

Par principe, le salarié du BTP travaillant sur chantier en situation de petits déplacements doit se voir verser une indemnité journalière forfaitaire de panier dès lors qu’il ne rentre pas son domicile pour le repas du midi. En application du régime des petits déplacements institués par les conventions collectives des ouvriers du Bâtiment et des Travaux publics. Cette indemnité étant exonérée de charges sociales en 2024 pour la fraction de son montant ne dépassant pas 10,10 euros en 2024 (sous réserve des modalités de calcul de l’assiette des cotisations dérogatoires en cas d’application de la déduction forfaitaire spécifique). Son régime est fixé par les paragraphes 210 à 230 du dossier « Frais professionnels » du Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS).

Rien n’est dit par contre dans les conventions collectives sur le cas d’un salarié de chantier venant prendre son repas au siège de l’entreprise. Doit-on verser quand même une indemnité de panier ? Oui, à notre sens dès lors que le salarié n’est pas en mesure de rentrer à son domicile pour prendre le repas, la prise du repas du siège s’imposant à lui.

Et si le salarié fait le choix de prendre son repas au restaurant, doit-on prendre en charge les frais engagés ? Dans la limite du montant de l’indemnité conventionnelle de panier. En gardant à l’esprit que rien n’empêche juridiquement l’employeur de fixer un plafond de prise en charge supérieur à celui prévu pour le panier conventionnel, voire de prendre en charge l’intégralité du coût du repas au restaurant.

Salariés de chantier et repas au restaurant : la qualification d’avantage en nature

Si l’entreprise prend en charge les frais de restaurant engagés par le salarié, que cela soit par le versement d’une indemnité forfaitaire, un remboursement sur facture ou un paiement direct au restaurateur, se pose la question de la qualification de cette prise en charge en matière de charges sociales.

Doit-elle être intégralement soumise à charges sociales en étant qualifiée d’avantage en nature ? Le fait que le salarié ne puisse rentrer déjeuner chez lui démontre bien que des frais supplémentaires sont engagés dans le cadre de son déplacement sur chantier, et donc que la qualification d’avantage en nature ne saurait être retenue.

Toutefois, certaines URSSAF ont pu redresser des entreprises en qualifiant bien d’avantage en nature la prise en charge des frais de restaurant des salariés sous forme de remboursement de notes de frais ou de prise en charge directe. Pour quelle raison ? Car elles considéraient que la localisation de certains chantiers, situés à moins de 10 kilomètres du siège de l’entreprise ou de l’établissement de rattachement administratif de l’entreprise, ne pouvaient conduire à justifier d’un déplacement professionnel. En assimilant la situation des salariés de chantier du BTP avec celle, par exemple, d’un comptable se rendant chez un client à trois kilomètres du siège de son cabinet comptable.

Important

Faute pour l’employeur de pouvoir démontrer que ses salariés de chantier étaient contraints de prendre leurs repas au restaurant, cette prise en charge conduisait alors les URSSAF à prononcer un redressement. Heureusement, de nouveaux arguments juridiques pour contester un tel redressement ont été fournis par le Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS).

Salariés de chantier et repas au restaurant : la qualification de frais professionnels

Les redressements prononcés par les URSSAF fondés sur le respect de la limite des 10 kilomètres étaient déjà contestables, cette limite n’étant prévue dans aucun texte officiel.

Toutefois, le raisonnement juridique conduisant au redressement reposait sur d’autres fondements plus solides qui pouvaient conduire les juges à rejeter les contestations des entreprises.

Le BOSS a fait l’objet sur ce sujet d’une mise à jour en date du 21 décembre 2022. Il introduit à cette occasion la notion « d’usages de la profession » sur la question de la qualification des prises en charge des frais de repas.

Lorsque l’employeur opte pour une indemnité forfaitaire ou une prise en charge directe auprès du restaurateur, ce financement patronal est considéré comme une prise en charge de frais professionnels et non un avantage en nature si « les usages de la profession obligent le salarié à prendre son repas au restaurant ». Sous réserve que la prise en charge ne dépasse pas le plafond de 20,70 euros par repas en 2024 comme il est rappelé dans le BOSS dans les paragraphes 240 à 280 du dossier « Frais professionnels ».

Conseil

L’intérêt de la notion d’ « usages de la profession » est qu’elle dispense l’employeur de devoir prouver en cas de contrôle URSSAF l’existence de circonstances de fait ayant contraint le salarié à manger au restaurant. Reste une question : manger au restaurant lorsqu’on travaille sur des chantiers du BTP relève-t-il d’un usage de la profession ? Ce seront les juges qui seront amenés à y donner une réponse en cas de futurs contentieux !

En fournissant un exemple particulier, le BOSS donne également un autre argument permettant de qualifier les frais de repas au restaurant des salariés sur chantiers en frais professionnels plutôt qu’en avantage en nature. Le BOSS explique que lorsque les salariés utilisent ensemble le véhicule de l’entreprise pour se rendre sur le lieu de leur mission, cela peut démontrer l’impossibilité pour le salarié de choisir son lieu de repas. Et donc le repas au restaurant relève bien d’une contrainte professionnelle et non d’un choix personnel. Une prise en charge par l’employeur relevant ici du champ des frais professionnels. Cet exemple colle en pratique parfaitement avec la situation de la plupart des entreprises du BTP pour lesquelles les salariés utilisent un véhicule utilitaire de l’entreprise pour se rendre à plusieurs sur le chantier.

Vous vous posez des questions sur les frais professionnels ou les avantages en nature ? Les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Responsable et gestionnaire paie BTP ».

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Olivier Castell

Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr

Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …