Comment s'applique la prescription des salaires quand un salarié présente une nouvelle demande en cours de procédure ?

Publié le 02/10/2023 à 11:47 dans Conventions collectives.

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Depuis 2013, un salarié qui entend réclamer à son employeur des sommes en justice a 3 ans pour agir, contre 5 ans auparavant. Un nouveau délai qui a des incidences sur les procédures en cours, comme le montre une affaire arrivée devant la Cour de cassation.

Conventions collectives : une demande de rappel de différentes primes sur plusieurs années

Une salariée travaillant au sein d'une fromagerie avait saisi les prud'hommes suite à la rupture de son contrat de travail. Elle réclamait un rappel de primes d'ancienneté et de treizième mois.

Par la suite, l'affaire s'était déplacée devant une cour d'appel. La salariée s'était alors vu refuser ses demandes sur une certaine période, les juges estimant que les demandes en question étaient prescrites.

Notez le

Lorsqu'un salarié réclame le paiement de salaires, il doit agir dans un certain délai. Ce délai est de 3 ans (prescription triennale) à compter du jour où il a « eu ou aurait dû avoir connaissance des faits » (avant une loi du 14 juin 2013, ce délai était de 5 ans).
Lorsqu'il s'agit d'éléments de salaire d'origine conventionnelle, la prescription commence à courir à partir du moment où le salarié sait, avec exactitude, quelle convention collective s'applique dans l'entreprise.

Dans cette affaire, la chronologie des faits Ă©tait la suivante :

  • la salariĂ©e avait saisi le conseil des prud'hommes le 22 septembre 2014 ; elle avait formulĂ© pour la première fois ses demandes relatives aux primes d'anciennetĂ© et de treizième mois le 13 fĂ©vrier 2015 (ces primes Ă©taient prĂ©vues par sa convention collective) ;
  • puis, le 9 septembre 2019, devant la cour d'appel, elle avait prĂ©sentĂ© de nouvelles demandes au titre de ces primes, mais pour la pĂ©riode antĂ©rieure aux 3 annĂ©es de rappel allouĂ©es par les prud'hommes (soit avant l'annĂ©e 2012). Des demandes refusĂ©es par la cour d'appel, qui avait estimĂ© que celles-ci Ă©taient prescrites au titre de la prescription triennale.

Conventions collectives : les demandes présentées plus tard dans la procédure sont-elles prescrites ?

L'affaire est arrivée devant la Cour de cassation, qui commence par rappeler les principes applicables :

  • toute demande en justice, mĂŞme en rĂ©fĂ©rĂ©, interrompt le dĂ©lai de prescription ;
  • toutes les demandes liĂ©es au contrat de travail entre les mĂŞmes parties font l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prĂ©tentions est nĂ© ou rĂ©vĂ©lĂ© postĂ©rieurement Ă  la saisine du conseil de prud'hommes.
    Il en résulte que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ;
  • l'action en paiement ou en rĂ©pĂ©tition du salaire se prescrit par 3 ans Ă  compter du jour oĂą celui qui l'exerce a connu ou aurait dĂ» connaĂ®tre les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières annĂ©es Ă  compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 annĂ©es prĂ©cĂ©dant la rupture du contrat.

Ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 ans.

Or la Cour de cassation souligne que, dans cette affaire :

  • d'une part, la prescription avait Ă©tĂ© interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes, le 22 septembre 2014, mĂŞme si les demandes pour la pĂ©riode antĂ©rieure Ă  l'annĂ©e 2012 avaient Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©es en cours d'instance ;
  • d'autre part, Ă  cette date, la prescription de 3 ans issue de la loi du 14 juin 2013 Ă©tait applicable aux crĂ©ances salariales non prescrites Ă  la date de promulgation de la loi, sans que la durĂ©e totale de prescription ne puisse excĂ©der 5 ans.

Par conséquent, les demandes en paiement des créances salariales exigibles postérieurement au 22 septembre 2009 n'étaient pas prescrites.

L'affaire devra donc être rejugée...


Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 21-25.408 (l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 ans)