Attribuer les primes de repas conventionnelles peut parfois virer au casse-tête !

Publié le 16/10/2023 à 10:41 dans Conventions collectives.

Temps de lecture : 4 min

De nombreuses conventions collectives attribuent des primes aux salariés pour leurs repas. Ces primes varient selon le contexte. Pour ne pas se tromper dans leur versement, l'employeur doit bien identifier les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur activité.

Convention collective des transports routiers : des indemnités de repas sous conditions

Un certain nombre de conventions collectives prévoient des indemnités de repas (dites également primes de panier) destinées à couvrir les frais de repas des salariés.

Tel est le cas de la convention collective des transports routiers. L'article 8 1° de son protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers dispose :

« Le personnel qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages.
[…] Toutefois, lorsque le personnel n'a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail, l'indemnité de repas unique qui lui est allouée est égale au montant de l'indemnité de repas (...) ».

Dans certaines situations, ces dispositions peuvent entraîner des litiges entre employeur et salarié. C'est ce que montrent deux affaires jugées le même jour par la Cour de cassation, concernant des chauffeurs ambulanciers qui réclamaient un rappel d'indemnités de repas.

Convention collective des transports routiers : une indemnité de repas due seulement pour les salariés en déplacement

La Cour de cassation s'est d'abord penchée sur la demande des salariés qui concernait l'indemnité de repas unique mentionnée à l'alinéa 1 de l'article 8 1°.

Dans chacune des affaires, la Cour de cassation a commencé par rappeler les dispositions conventionnelles applicables :

  • selon l'article 2 du protocole du 30 avril 1974, les indemnités de repas et les indemnités de repas unique sont une somme forfaitaire allouée par l'employeur au salarié en déplacement, en complément de ce que celui-ci aurait dépensé s'il avait pris son repas à son domicile ou à son lieu de travail. Dans ce cadre, le déplacement est défini comme l'obligation impliquée par le service de quitter le lieu de travail et le domicile ;
  • il en résulte que les dispositions de l'article 8 de ce même protocole ne sont applicables qu'aux salariés contraints, du fait d'un déplacement, de prendre un repas hors de leur domicile ou de leur lieu de travail.

Or, dans chacune des affaires, les juges du fond avaient relevé que les indemnités de repas réclamées concernaient des journées de travail pendant lesquelles le salarié ne se trouvait pas en déplacement. Ainsi, dans l'une des affaires, les carnets des feuilles de route hebdomadaires communiqués révélaient que les repas litigieux avaient quasiment tous été pris à domicile.

Par conséquent, la Cour de cassation valide le fait que, s'agissant de journées de travail pendant lesquelles les salariés n'étaient pas en situation de déplacement, ils ne pouvaient pas prétendre au paiement d'indemnités de repas unique.

Convention collective des transports routiers : une indemnité de repas majorée pour les déplacements inhabituels

Dans un second temps, la Cour de cassation a examiné la réclamation des salariés relative à la majoration de l'indemnité de repas unique, au titre de déplacements « inhabituels » (alinéa 2 de l'article 8 1°).

Les juges du fond avaient constaté que :

  • l'employeur ne contestait pas l'accomplissement de ces déplacements (pas moins de 146 pour l'un des salariés), impliqués par le service, ayant imposé aux salariés de prendre un repas hors de son lieu de travail et qu'il ne démontrait pas les en avoir informés au moins la veille à midi ;
  • le compte-rendu de réunion signé par l'employeur et trois représentants du personnel, qui définissait les déplacements effectués en dehors des conditions habituelles de travail, n'avait pas valeur d'accord d'entreprise ; de plus, dès lors qu'il restreignait les droits des salariés s'agissant des conditions habituelles de travail, il ne leur était pas opposable ;
  • le siège social de l'entreprise étant situé dans une localité, il fallait considérer que les déplacements dans d’autres localités ne relevaient pas des conditions habituelles de travail des salariés.

Les juges avaient ainsi condamné l'employeur à payer aux salariés des rappels sur indemnité de repas majorée. Un raisonnement là aussi validé par la Cour de cassation.


Cour de cassation, chambre sociale, 27 septembre 2023, n° 21-23.558 et 21-23.559 (selon la convention collective des transports routiers, les conditions d'attribution de l'indemnité de repas unique ne sont applicables qu'aux salariés contraints, du fait d'un déplacement, de prendre un repas hors de leur domicile ou de leur lieu de travail)