• RĂ©forme du Code du travail : tout changer sans rien changer ?

RĂ©forme du Code du travail : tout changer sans rien changer ?

Publié le 30/08/2017 à 18:30.

Temps de lecture : 6 min

Les Editions Tissot, spécialistes de documentations, formation et conseil en droit du travail, comptabilité et fiscalité pour les professionnels, publient les résultats d’une enquête menée en partenariat avec OpinionWay sur l’opinion des salariés français face à la réforme du Code du travail . Les Français sont-ils vraiment favorables à la réforme du Code du travail ? Que veulent-ils véritablement changer ? Quels sont leurs espoirs et leurs craintes ?

Ce Code, qui recense l’ensemble des dispositions constituant la réglementation du travail (lois, règlements et décrets) dans un même recueil, fixe les droits minimaux et les obligations maximales applicables à tous les salariés. Si sa réforme fait aujourd’hui la quasi-unanimité chez les salariés, son passage à l’acte demeure un sujet ultra-sensible et clivant.

Ce sondage sera disponible le 30 août à cette adresse : https://www.editions-tissot.fr/sondage-etude/que-pensent-les-francais-de-la-reforme-du-code-du-travail

Pour 63% des salariés, le Code du travail est inadapté et pourtant…

Seul 1 salarié sur 3 considère que le Code du travail est encore approprié. Ce document volumineux est considéré par certains comme figé et peu adapté au monde du travail actuel et pourtant y toucher donne lieu à des débats passionnés autour des acquis sociaux.
Les salariés craignent en effet que ce soient les employeurs qui en profitent. Ils sont 68% à penser que si le Code du travail laisse plus de place à la négociation par accords d’entreprise, leurs droits seront réduits.
« Les salariés ont moyennement confiance. Est-ce que la réforme du Code du travail ne serait pas « grosse » de beaucoup d’attentes contradictoires avec des espérances forcément déçues du côté du salarié, penchant davantage du côté « employeur ». Voilà le Président Macron à l’épreuve des vieux archaïsmes français ! » analyse le sociologue Ronan Chastellier, à propos du sondage.

Le Code de travail, une garantie d’égalité ?

Car en effet, parmi les éléments qui protègent le plus les salariés, c’est le Code du travail qui est cité en premier (29%) ! Loin devant les accords de branche (20%), les représentants du personnel (15%), et surtout, les syndicats.

« La prééminence de l’accord d’entreprise voulue par la réforme devrait donc créer un stress, le Code garantissant dans l’esprit du salarié une forme d’équité, car il est le même pour tous. On retrouve aussi, dans leurs réponses, la perte de confiance qu’ont les salariés dans leur syndicat, à qui ils préfèrent le Code du travail, aussi critiqué soit-il ! », analyse Ronan Chastellier.

Dans cette revendication d’équité, ils sont d’ailleurs 80% à vouloir que les règles soient les mêmes dans le secteur public et privé !
« Les salariés considèrent que c’est une grande anomalie, un secteur déconnecté, pas dans le réel, mieux protégé… Ils y voient une injustice flagrante. Le statut particulier des fonctionnaires ne devrait pourtant pas être remis en cause dans la réforme qui se profile. », analyse Ronan Chastellier.

Le dialogue social ? Oui, mais sans intermédiaire !

Les salariés voudraient être davantage consultés, en direct, sur leurs conditions de travail (88%), leur rémunération (87%), les avantages sociaux (87%), et un peu moins majoritairement sur l’organisation du temps de travail (82%) et la durée de travail (75%).

Ils veulent décider eux-mêmes, par référendum, plutôt que d’autres le fassent à leur place (représentant du personnel élu, et surtout syndicat).

64% des salariés ne croient pas aux avantages économiques d’une plus grande flexibilité du travail.

Les salariés semblent modérément croire aux théories libérales et à une plus grande flexibilité de l’emploi. Une majorité d’entre eux (64%) ne pensent pas que les entreprises pouvant licencier plus facilement, embaucheront également plus facilement.
Sauf peut-être les plus jeunes, ceux de moins de 35 ans, plus ouverts au changement (41% d’entre eux sont d’accord avec cette théorie).

Et parmi les blocages actuels, nombre d’économistes pointent du doigt les indemnités de licenciement. Le plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse voulu par le Gouvernement, est une mesure considérée comme injuste par la plupart des salariés (64%).
L’idée de fixer un « référentiel obligatoire » pour que l’employeur sache où il va en cas de licenciement « à risque » semble être moyennement acceptée par le salarié, sauf peut-être les jeunes de moins de 35 ans, plus ouverts à cette idée (40% d’entre eux).

3 questions à Anne-Lise Castell, Juriste aux Éditions Tissot

1. Qu’est-ce que cette réforme va changer pour les salariés ? Pour les employeurs ?

L’un des plus gros changements de cette réforme, que ce soit pour les salariés ou les employeurs, c’est la fusion annoncée des instances représentatives du personnel (CE, CHSCT, DP). La représentation des salariés et l’organisation du dialogue social dans l’entreprise vont s’en trouver bouleversées. Dans la même veine, la refonte des règles de négociation collective et la prédominance de l’accord d’entreprise dans davantage de domaines a une place intéressante, sans s’agir d’un véritable bouleversement puisque cela va dans la continuité de la loi travail. Reste à voir si les entreprises se serviront vraiment de cette possibilité de plus en plus étendue de fixer des règles au niveau de l’entreprise.

2. Avec le plafonnement des indemnités, ne risque-t-on pas de voir exploser le nombre de licenciements abusifs ?

Très commentée, la mesure sur la fixation d’un barème obligatoire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pour autant pas la porte ouverte aux licenciements. Cette mesure va juste permettre aux employeurs de pouvoir estimer à l’avance les conséquences financières que peut avoir un licenciement « à risque ». Il s’agit donc de leur offrir davantage de sécurité juridique. Si on ignore encore à combien s’élèveront les montants plafonnés, on peut penser qu’ils seront loin d’être négligeables. Actuellement, le barème indicatif permet d’attribuer une indemnité allant jusqu’à 22,5 mois de salaire (Code du travail, art. R. 1235–22–1). N’oublions pas également que dans les cas les plus graves (harcèlement, discrimination par exemple), le juge restera entièrement libre dans la fixation du montant attribué au salarié.

3. La différence de réglementation secteur public-privé : comment l’expliquer ?

Le Code du travail concerne les relations entre les employeurs et les salariés du secteur privé. Il n’a donc pas vocation à s’appliquer aux fonctionnaires qui disposent d’un statut particulier lié à la nature des fonctions qu’ils exercent. Après, il faut savoir que certaines mesures du Code du travail notamment dans le domaine de la santé-sécurité au travail concernent aussi les agents publics. Il peut donc y avoir des grosses différences entre les règles applicables aux salariés du privé (dans le Code du travail et les conventions collectives) et ceux du public (selon leur statut) donnant, au vu du sondage, un sentiment d’inégalité à certains.

Enquête menée du 16 au 19 août 2017, auprès d’un échantillon de 1014 salariés, issu d’un échantillon de 2049 personnes.

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Interview de Ronan Chastellier

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